L'accordéoniste aux 400 mélodies

Alors qu'il est aujourd'hui encore l'un des musiciens les plus renommés de son temps, Altéro Betti remonte le fil de ses souvenirs avec une mémoire quasi infaillible et livre le récit de sa vie avec humour et émotion.

Le point de départ de sa carrière est l'obtention, en 1936, du premier prix au concours interrégional d'accordéon (voir notre édition du 10 mars).

Il s'installe à Spontour, y rencontre Odette Espinasse (qu'il épouse en décembre 1938) et ouvre une guinguette sur le bord de la Dordogne. La vie s'organise entre la pêche et les bals qu'Altéro anime chaque week-end.

C'est en 1945 qu'il débute sa vraie carrière musicale, avec un orchestre composé de son frère Derno, d'un guitariste, d'un batteur et d'un saxophoniste. Il le nomme « L'orchestre de la Libération ». La renommée du groupe grandit au fil des ans, l'équipe s'étoffe et Altéro donne leur chance à plusieurs jeunes musiciens.

En 1952, les Betti sont expropriés de leur guinguette lors de la mise en eau du barrage du Chastang. Ils ouvrent Le triolet, à l'entrée de Spontour, lieu mythique où les plus grands musiciens vont défiler avec ardeur. Tandis qu'Odette s'occupe de l'auberge, Altéro se consacre à sa carrière. « Après 1960, nous étions sept musiciens et nous avions entre 90 et 100 dates de bals fixées un an à l'avance. » Un succès qui donne beaucoup de travail pour la gestion des contrats, la fabrication et l'envoi de centaines d'affiches.

1965 marque un tournant dans la carrière de l'artiste quand il entre chez Vogue, appuyé par Jean Ségurel et Roland Manoury, auteur. Il va y rester cinq ans et enregistrer six 33 tours.

L'aventure tourne court, brutalement, à cause d'une initiative pour le moins indélicate du producteur, un souvenir qui fait encore froncer les sourcils d'Altéro. « Un jour, j'achète un disque signé par un certain Pierre Destublat et dont la pochette présentait un groupe folklorique. » Surprise… C'est un enregistrement de lui-même et Vogue a tout simplement inventé un pseudonyme, trouvant que la consonance italienne du nom ne faisait pas assez auvergnate. L'accordéoniste se fâche et coupe les ponts. Il enregistrera d'autres albums chez Folcorama et chez Carrara.

1965 voit également se réaliser un rêve pour Altéro Betti. Il entre à la Société des auteurs (Sacem). « Quelle épreuve, se souvient-il. On vous donnait un titre quelconque et on vous enfermait dans une pièce avec l'instrument et du papier à musique. » L'objectif : écrire un couplet et un refrain, parole et musique. « J'ai bien mis plus de quatre heures avant de terminer ! » Après un mois d'attente, tombait le verdict : reçu, ce qui allait désormais permettre à l'artiste de composer pour les autres et toucher des droits d'auteur.

Les temps changent, pourtant. Les discothèques voient le jour et signent la fin progressive des bals. « C'était la fin de la musique vivante, déplore Altéro. On est passé à la musique en boîte. » En 1974, il annonce à ses musiciens la fin de l'orchestre.

Les années suivantes, il est invité pour de nombreux galas. En 2010, Rémi Salard, accordéoniste et professeur de musique d'Ussel, organise un grand événement pour les 90 ans d'Altéro Betti. 1.400 personnes assistent à un concert animé par une quarantaine de musiciens, venus de partout. Un souvenir inoubliable qui a profondément touché l'artiste.

Yveline David