.
« Ambor »
ou
le Commandant Pierre Roussilhe
Voici un nom qui vous interpelle, n’est-ce pas ?
Vous allez donc nous dire, et c’est bien normal, mais de quoi s’agit-il ?
Que signifie ce mot ? Qui se cache derrière ce terme mystérieux ?
Et bien, nous allons tenter de vous en donner l’explication.
Vous connaissez tous, plus ou moins, l’extraordinaire histoire du barrage de l’Aigle ?
Ce gigantesque ouvrage édifié sur le cours de la haute Dordogne, entre Corrèze et Cantal, à cheval sur les deux petites communes de Sourzac et de Chalvignac, au pied duquel fut construit le petit hameau de Aynes.
Cet ouvrage d’art titanesque destiné à l’énergie hydraulique a été réalisé avec maintes difficultés durant le second conflit mondial, principalement entre 1939 et 1945, alors que le pays était écrasé sous le joug de la botte nazie.
Sa réalisation fut l’objet d’un gigantesque chantier sur lequel plus de 1.500 ouvriers, techniciens et ingénieurs de 31 nationalités différentes, œuvrèrent pour qu’il arrive à son terme, le pays libéré et la guerre enfin terminée.
Vous savez tous, quels en furent les principaux concepteurs, l’ingénieur en chef André Coyne, les ingénieurs René Mary et surtout celui qui nous intéresse tout particulièrement, André Decelle.
Ce chantier pharaonique avait une singularité toute particulière que personne ne pouvait ou ne devait remarquer à cette époque, surtout pas les autorités
collaborationnistes de Vichy et l’occupant allemand.
Cette main d’œuvre internationale camouflait une structure clandestine d’une autre nature destinée à prendre les armes, l’heure de la libération du territoire venue. En effet, parmi ces étrangers on trouvait tous les profils ; des Français bien sûr, mais surtout des réfugiés républicains espagnols fuyant le régime de Franco, des Italiens anti-fascistes persécutés par Mussolini, des Allemands, des Autrichiens, des Alsaciens, des Lorrains et des Tchèques se cachant des sbires de Hitler, d’anciens militaires de l’armée française ou d’Armistice souhaitant reprendre le combat, des prisonniers de guerre étant parvenus à s’enfuir des camps allemands, de jeunes gens s’étant soustraits au STO, des fuyards en danger de mort, recherchés par la Gestapo ou la Milice, des citoyens de toute l’Europe de confession israélite, des Polonais dont le pays était occupé par l’ennemi depuis 1939, des Nord-africains et des Indochinois des régiments coloniaux dissous, et bien d’autres nationalités, Russes, Luxembourgeois, Belges, Suisses, Hollandais, Portugais, etc.
En fait, presque tous ces hommes se cachaient en ce lieu plus ou moins sûr, afin d’échapper à la répression des autorités allemandes d’occupation et de leurs collaborateurs français, principalement la Sûreté Nationale et surtout la Milice de Joseph Darnant, individu et son horrible création de sinistre mémoire. Au cœur de ces hommes pour la plupart persécutés et recherchés brûlaient toujours la flamme de la liberté, le refus de l’oppression, une fraternelle solidarité et l’espoir de jours meilleurs dans un monde en paix
C'est dans ce contexte que furent mis en place les premiers éléments de la Résistance au sein de ce chantier du barrage et aux alentours proches. Nous savons maintenant par l’histoire
officielle et reconnue que les deux principaux réseaux de la résistance armée s’étaient développés pour l’Armée Secrète dans le Cantal, et sur toute l’étendue du département de la Corrèze pour les Francs Tireurs et Partisans. Les uns d’obédience gaulliste, les seconds d’obédience communiste. Ces clandestins destinés aux futurs combats de la libération devaient représenter plusieurs dizaines de milliers d’hommes. Ils étaient ceux que l’on a surnommé par la suite « l’Armée des Ombres ».
Mais il exista une particularité toute singulière liée au caractère bien français du fameux « Gaulois réfractaire », comme nous allons le voir par la suite…
En effet, il s’organisa sur le chantier du barrage un réseau clandestin, indépendamment de l’AS et des FTP, établi sur des structures typiquement militaires. Vers la fin de l’année 1942, il fut créé l’embryon de quatre groupements de marche de mille homme chacun à terme, répartis sur et autour du barrage. Ce furent les fameux groupements « Eynard » du Commandant Playe, « Renard » du Commandant Thollon, « Allard » du Commandant Merlat, et « Didier » du Commandant Decelle. Chaque groupement était constitué de compagnies à plusieurs sections d’une trentaine d’hommes environ, le tout aux ordres d’anciens Officiers et Sous-officiers de l’Armée Française.
Mais en fait, tous ces futurs combattants encore non engagés dans l’action étaient aussi pour l’instant de simples ouvriers et techniciens employés sur tous les chantiers de la vallée de la Dordogne et de ses affluents annexes ; l’Aigle, Saint-Etienne-Cantalès, Bort-les-Orgues, Marèges, Saint-Geniez-O-Merle, la Triouzoune, le Chastang, etc, sans compter une bonne partie des jeunes incorporés dans les « Chantiers de Jeunesse » du fameux Maréchal.
Certains Officiers Généraux de l’Armée d’Armistice dont l’état-major siégeait à Clermont-Ferrand, ne souhaitaient pas, pour de multiples raisons que nous n’allons pas développer ici, faire allégeance à la « France Libre » du Général de Gaulle en place à Londres, et encore moins s’allier avec le « Front National » du Parti Communiste. Ils préférèrent se placer sous l’autorité du Général Giraud installé à Alger, dont ils se revendiquèrent pour intégrer la Résistance.
C’est ainsi que naquit l’ORA, « l’Organisation de Résistance de l’Armée », qui fut d’abord placée sous l’autorité du Général Frère, puis celui-ci arrêté et déporté, sous l’autorité du Général Verneau, qui ayant subit le même sort, fut confiée au Général Revers, dont il assura le commandement jusqu’à la libération.
C’est dans ces circonstances que l’ORA s’implanta sur le barrage de l’Aigle, où elle organisa ses premiers et futurs maquis. Nous savons tous dans quelles conditions furent créées ces diverses unités dépendantes
de l’ORA intégrées par la suite aux FFI, car nous avons déjà évoqué leur histoire dans des publications antérieures qu’il vous suffit de redécouvrir ; les compagnies espagnoles, les compagnies polonaises, les compagnies nord-africaines, l’opération « Cadillac » du 14 juillet, le commando américain OSS « Lindsey », les réunions à la Forestie et à Aynes des 12 et 13 juillet, le rôle du Commandant Chastang des MUR, l’engagement du Capitaine FFI Nicolas Rougier responsable des Groupements de Travailleurs Étrangers pour l’Auvergne, les Polytechniciens du barrage dans la guerre, le bureau postal de Aynes, le camp de prisonniers allemands du barrage, la renaissance des « Diables Rouges », les anarchistes espagnols de la CNT/FAI, mais aussi les témoignages et parcours de vie de René Rivière, Raymond Soulas, Abdelkader Ikrelef, Pierre Jacquin, José Santiago-Pavon, José Zucca, etc. sous l’autorité du Général Frère, puis celui-ci arrêté et déporté, sous l’autorité du Général Verneau, qui ayant subit le même sort, fut confiée au Général Revers, dont il assura le commandement jusqu’à la libération.
Mais ce qui nous intéresse principalement, c’est le bataillon « Didier ». Cette unité fut placée sous les ordres de l’ingénieur André Decelle, ancien Capitaine de réserve du Génie, qui avait été affecté auprès de l’un des trois Régiments de Marche de Volontaires Étrangers durant la campagne de France en Mai 1940. Capturé par les Allemands, il s’était évadé du camp de prisonniers où il était détenu, (Oflag), et avait rejoint la France, pour se retrouver embauché à un poste de haute responsabilité sur le chantier du barrage, sur l’aimable proposition de André Coyne.
Son bataillon comprenait plusieurs compagnies ; la compagnie « Bruno » du Capitaine Poirier, la compagnie « Bernard » du Capitaine Bouchot, les deux compagnies espagnoles des Capitaines Montoliu-Del-Campo et Miguel Barbosa-Giro, les deux compagnies polonaises des Capitaine Theuer et Lieutenant Kerwiak, une compagnie nord-africaine en cours de création qui sera commandée par le Capitaine Gouy dit « Médiane » puis « Chouan », et une compagnie indochinoise qui ne fut pas réalisée, soit près de 1.000 hommes sous le commandement de Decelle.
Les unités polonaises et nord-africaines furent détachées ultérieurement et réparties en renforts d’hommes dans les groupements « Eynard » et « Renard », ceux-ci étant en sous-effectifs lors du soulèvement armé du mois d’août 1944.
Nous n’allons pas vous relater ici, l’histoire du bataillon et de ses combats pour la libération du Cantal, puis de l’Auvergne, car ils ont déjà été maintes fois évoqués. C’est officiellement à partir du 13 août 1944, que le groupement Decelle devint le fameux bataillon « Didier » engagé dans les combats du Lioran, de Rueyres, de Saint-Flour et Saint-Poncy, puis au sein du Corps Franc « Pommiès » venant de la région de Toulouse, dans la libération de la Haute-Saône, avec les combats d’Autun, de Laisy, de Brion et des Quatre vents.
Le bataillon arrivé à Dijon à la poursuite des Allemands et ayant pris contact avec la 1ère Armée Française du Général de Lattre de Tassigny, reçu l’ordre de rejoindre le barrage afin d’y terminer le chantier pratiquement arrêté depuis le 6 juin précédent, date à laquelle il commença à s’installer sur le col de Néronne en vue de la préparation à l’engagement armé. Environ 80 volontaires du bataillon s’engagèrent dans la 1ère Armée afin de poursuivre le combat jusqu’au cœur de l’Allemagne.
Parmi ceux-ci quelques officiers du bataillon que nous pouvons citer. De l’état-major ; Le Capitaine Gabriel Parisot de Récicourt (De Marne), le Capitaine Marc Chombart de Lauwe (Biray), le Lieutenant Roger Freyd (Fred). Du service de santé ; Le Médecin-Lieutenant Jacques Dreyfus (Toubib). Les chefs de sections ; Les Sous-Lieutenants Jean-Louis Darbois (JL), Louis Decamp et Yann Bahezre de Lanlay (Yann).
Tous ces officiers, ainsi que les sous-officiers et volontaires qui les accompagnaient au sein du CFP devinrent les effectifs du 49ème Régiment d’Infanterie de la 1ère Armée Française sous les ordres du Général de Lattre de Tassigny. Après les combats des Vosges et de l’Alsace, ils entrèrent en Allemagne où la capitulation stoppa leur périple dans la ville de Stuttgart le 8 mai 1945. C’est sous les acclamations qu’ils défilèrent à Berlin et à Paris. Le Sous-Lieutenant Yann de Lanlay termina en 1978 sa magnifique carrière militaire déjà bien remplie (Allemagne, Indochine, Maroc, Algérie) avec le grade de Général de Division.
Mais avant la date du 13 août 1944, le groupement Decelle ne portait pas ce nom, il s’intitulait groupement « Ambor ». Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la véracité des faits historiques, mais de « rendre à César, ce qui appartient à César ». L’auréole du chef glorieux, l’ingénieur André Decelle, le Commandant « Didier », n’est nullement contestée. Son sens de l’organisation, sa haute aptitude au commandement, son courage dans l’action et ses glorieux faits d’armes parlent d’eux mêmes. Sa mé moire peut et doit continuer à être honorée comme il le faut. Il est et restera l’une des figures incontournables de la Résistance dans le Cantal.
Non, là n’est pas la question...
Ce qui nous interroge, c’est ce fameux « Ambor » ?
D’où provient ce nom énigmatique et qui pouvait bien le porter dans la clandestinité ?
Vous connaissez « Ambor le Loup » ?
Non, et bien nous allons vous en donner l’explication.
« Ambor le Loup » est une œuvre littéraire parue en 1931 sous la signature de J.H. Rosny Aîné, de son vrai nom Joseph Henri Honoré Boex. Cet écrivain de nationalité belge, né à Bruxelles le 17 février 1856 et mort à Paris le 15 février 1940, fut un auteur prolifique ayant publié de nombreux écrits sous le pseudonyme de « Enacryos », dont l’un de ses ouvrages resté dans la postérité, « La guerre du Feu ». Il fut de 1926 à 1940 le Président d’une prestigieuse fondation, l’académie littéraire du « Prix Goncourt », ce qui en dit long sur sa renommée et la richesse de son œuvre.
Écrivain, scénariste, philosophe, il publia plus de soixante récits et romans à caractères fantastique, cataclysmique, préhistorique, fantasmagorique ou merveilleux d’anticipation, ainsi qu’une dizaine d’œuvres d’anthologie. Il est dorénavant considéré comme l’un des principaux auteurs fondateurs et précurseurs de la « Science fiction », bien avant H.G. Wells, avec sa « Guerre des Mondes ».
Son livre « Ambor le Loup » est l’histoire romancée, en 52 avant notre ère, d’un jeune guerrier gaulois, chef de la tribu des « Loups Noirs » ou des « Sept Clans », qui fidèle au chef Arverne Vercingétorix dans sa lutte contre les légions de César, prend conscience de l’infériorité numérique des Gaulois, fougueux mais indisciplinés, face à l’organisation et à la puissance de « l’Ost » romaine.
Il comprend vite que pour combattre les envahisseurs, il faut entreprendre une guerre éclatée, asymétrique dit-on depuis, de partisans, faite d’embuscades et de coups de mains, ce que l’on nomme désormais la « Guérilla ». Il survivra à la défaite du chef Arverne qui aura voulu combattre d’armée à armée la puissance de cet empire hégémonique. Vercingétorix capturé sera conduit et exhibé à Rome avant d’être exécuté.
Les critiques littéraires verront dans ce message, l’inspiration de puiser en soi le courage et la force nécessaires de ne pas baisser les bras et refuser de courber l’échine devant ceux qui veulent vous asservir. On devine maintenant la portée du sens donné à ce pseudonyme de résistant choisi par celui dont nous allons maintenant évoquer la vie. Tel un « Gaulois réfractaire » à l’image de « Ambor », qui a refusé de mettre genou à terre devant la Pax et la Lex Romana, Pierre Roussilhe, s’est opposé à la force brutale et à la vision d’un monde teutonique d’asservissement des peuples d’Europe, rêvé par le chancelier allemand Hitler à la tête d’un Reich édifié pour un règne de mille ans !
Pierre Paul Roussilhe est né le 21 septembre 1906 dans le 15ème arrondissement de Paris. Il est décédé à Montauroux dans le Var le 24 décembre 1991 où il est inhumé dans le cimetière de cette petite commune proche des bords de la Méditerranée. Ses parents se nommaient Henri Charles Clément Roussilhe (1879/1945) et Emilie Maxsé (1882/1918). Pierre, aîné d’un seul frère benjamin André, né en 1913, perdit sa maman en 1918, alors qu’il était seulement âgé de 12 ans. Son papa se remaria le 7 septembre 1933 à Saint-Céré dans le Lot, avec une cousine Eva Marguerite Mélanie Roussilhe (1897/1988).
Le profil de cet homme mérite que l’on s’y attarde un peu. Né à Versailles en 1879, après des études primaires et secondaires, il intègre l’École Polytechnique (X) d’où il sort diplômé en 1898. Dorénavant ingénieur polytechnicien, il est probable qu’il ait intégré la Marine avec le grade d’Enseigne de Vaisseau, car on le retrouve en 1902 à Tahiti et en 1913 au Gabon, ceci après avoir successivement résidé en plusieurs endroits de la région d’Île de France. Hydrographe de la Marine Nationale, Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, inventeur des relevés topographiques par avion, en 1936, on le retrouve domicilié au château des Doyens à Carennac dans le Lot, où il meurt et sera inhumé en 1945. Très beau parcours professionnel d’un père exemplaire dont le fils suivra les pas.
En effet, après de brillantes études secondaires, Pierre Roussilhe intègre à son tour l’École Polytechnique d’où il sortira diplômé ingénieur et Sous-Lieutenant en formation à l’École d’Application de l’Artillerie à Fontainebleau. A l’issue de cette formation c’est avec le grade de Lieutenant qu’il sera affecté au 35ème Régiment d’Artillerie de Campagne à Vannes dans le Morbihan. Le 1er janvier 1934, cette unité « d’Appuis Feux » est dissoute et deviendra le 35ème Régiment d’Artillerie Divisionnaire, régiment dans lequel il poursuivra sa carrière militaire avec le grade de Capitaine.
Le 8 septembre 1930, Pierre Roussilhe épouse à Vic-sur-Cère dans le Cantal, une jeune femme de belle lignée, Marie
Eudore Marguerite Gandhilon dit « Gandhilon Gens d’Armes » - (1908/1996). De leur union, naîtront sept enfants, sept filles, Monique, Jacqueline, Geneviève, Françoise, Hélène, Colette,
Blandine, famille admirable et nombreuse qui donnera naissance à trente petits-enfants…
D’une fratrie de quatre enfants, Jean, Geneviève et Jacqueline, Marie Gandhilon, est le fruit d’une union entre Camille Pierre Luther Gandilhon (1871/1948) et Jeanne Émilie Mathieu (1879/1968). Là aussi, il mérite que l’on s’attarde à nouveau sur la personnalité de son père Camille Gandhilon dit « Le Poète ». Celui-ci né à Murat dans le Cantal en 1871 d’un père expert-géomètre (un paysan qui parlait latin), entame ses études au Séminaire de Saint-Flour puis au Lycée Henri IV à Paris. A deux reprises, en 1896 puis en 1905, il obtient une bourse dont la seconde lui permettra de préparer l’agrégation des langues vivantes à l’Université de Berlin.
Grand lettré, il portera de multiples casquettes telles que ; Expert-géomètre comme son père, rédacteur, fonctionnaire de la ville de Paris et Directeur de l’Urbanisme du département de la Seine, chroniqueur, critique littéraire, moraliste, ethnologue, poète, propriétaire cultivateur et marchand de toiles. Restaurateur de la littérature en langue d’Oc d’Auvergne, il laissera de nombreuses publications comme : les traductions du Droit Public de l’Empire Allemand et la Loi Constitutionnelle du Royaume d’Angleterre, ainsi que près de 20.000 chroniques parues dans de nombreuses revues dont « l’Auvergnate de Paris » et « la Veillée d’Auvergne », sans oublier ses poèmes primés à Toulouse en 1927, tels que « Troubadours et Félibres », « Fresques et Médaillons », « la Légende des Monts et des Hommes », etc.
Lors du mariage de Pierre et Marie en 1930 à Vic-sur-Cère, leurs témoins respectifs furent Jean Gandhilon, Polytechnicien, ingénieur en Génie Maritime et Alfred Guillemet, Chef d’Escadron au 1er Régiment d’Artillerie Coloniale. Ce fut l’occasion d’un mariage commun pour la fratrie, puisque Geneviève, la sœur de Marie, pris pour époux le même jour, Jules Pialoux, Polytechnicien devenu chef d’entreprise.
On découvre là par ces unions entre familles cultivées et d’une certaine aisance, la juxtaposition de deux grandes facettes de la société française de l’époque. D’une part, la grande bourgeoisie parisienne, très instruite et à l’écoute d’un monde moderne en ce début de vingtième siècle, ouverte sur les techniques et sciences de l’avenir. D’autre part, des générations successives d’une aristocratie ancestrale de petite noblesse de la France profonde, riches d’une grande culture littéraire et et d’une foi chrétienne inébranlable, ancrées dans des traditions anciennes puisées aux sources provinciales les plus lointaines et dans la revendication d’une fierté totalement assumée.
Pierre Roussilhe recensé au bureau de recrutement du 15ème arrondissement de Paris en 1926 sous le matricule 2244, poursuit donc sa carrière militaire au 35ème RAD en garnison à Vannes. N’ayant pu avoir accès à l’état signalétique de ses services auprès des Archives de Paris, l’on peut en déduire que comme dans tout régiment de l’Armée française, son temps se déroulait comme partout ailleurs entre instruction, entretien, inspections et revues, manœuvres, campagnes de tirs, etc.
Pourtant, en Septembre 1939, tout allait changer. Sa vie allait entrer dans une autre dimension que ni lui, ni personne, n’avait envisagé à ce point. Son régiment, intégré dans la 21ème Division d’Infanterie, était dorénavant engagé dans les premiers soubresauts de la seconde Guerre Mondiale. A la tête de ses hommes, Bretons ou Vendéens pour la plupart, son régiment prenait la direction de l’Est de la France face à la frontière allemande.
En Septembre 1939, la 21ème Division d’Infanterie en garnison à Nantes est commandée par le Général Lanquetot. En Mai 1940, elle sera placée sous le commandement du Général Giraud, chef de la 7ème Armée. Cette division est composée des 48ème, 65ème et 137ème Régiments d’Infanterie, ainsi que le 35ème RAD et le 235ème RALD, plus le 27ème Groupe de Reconnaissance de la Division d’Infanterie. Pour fonctionner cette division a besoin de toutes les compagnies des services ; Intendance, train, sanitaire, vétérinaire, génie, transmissions, munitions, etc. En décembre 1939, le chef de corps du Régiment est remplacé par le Colonel Joubert.
Chef du 3ème Groupe d’Artillerie à la tête des 7ème, 8ème, 9ème batteries, 10ème batterie anti-chars et de la colonne d’approvisionnement au sein du Régiment, le Capitaine Roussilhe dirige ses hommes, c’est à dire près d’une vingtaine d’officiers, 62 sous-officiers, 500 brigadiers et hommes du rang, vers la Sarre où il participe à des combats et incursions en territoire allemand entre le 9 septembre et le 6 octobre 1939. Le secteur redevenant calme, la Division se replie sur la Lorraine, puis se dirige vers le Pas de Calais et le Nord où elle s’installe avec tous ses Régiments en réserve près de la localité de Hazebrouck.
Ce Régiment breton comptait dans ses rangs 1.400 hommes, dont près d’une centaine d’Officiers et 324 sous-officiers. Il était constitué d’un état-major, d’un service sanitaire et vétérinaire, d’un groupe Hors-Rang, de trois Groupes d’Artillerie Mécanisés en auto-chenillettes Citroën-Kégresse ou Hippomobiles à 3 batteries tractant chacune 4 canons de 75 mm, ainsi qu’un Groupe Anti-chars servant des canons de 47 mm.
Le 10 mai 1940, c’est la « Blitzkrieg », les Allemands déclenchent leur offensive en direction de la France, de la Belgique et de la Hollande. Le 12 mai, le Régiment reçoit l’ordre de se diriger vers la Hollande, en passant par Courtrai et Gand en Belgique. Le 15 mai le 35ème RAD prend ses positions sur les bords du Canal de l’Escaut, faisant face à l’avancée ennemie.
A l’issue de maintes péripéties, entre le 18 mai et le 4 juin, le Régiment se replie en ordre sous la poussée des coups de boutoirs allemands. L’artillerie et l’aviation allemande font des dégâts au sein de l’unité. Nombreux sont les tués et les blessés. Après avoir reflué par la route à travers la Belgique, le groupe du Capitaine Roussilhe se retrouve acculé à Dunkerque, défendant de tous ses feux l’avancée ennemie afin de permettre l’embarquement des troupes franco-britanniques éreintées vers l’Angleterre.
Totalement encerclés, les hommes du 3ème Groupe détruisent leurs derniers armements et équipements, puis tentent par tous les moyens d’échapper par la mer à l’encerclement. Nombreux sont ceux qui disparaîtront en mer sans laisser de trace. Roussilhe et quelques uns de ses hommes parviendront avec de grandes difficultés à rejoindre « la Perfide Albion », puis ré-embarquer pour la France, où une cinquantaine de survivants rejoindront enfin Nîmes par divers itinéraires.
Parmi ceux-ci, le Lieutenant Juan Espana (alias Molina), ayant commandé le 8ème Batterie du Groupe, évadé bien que grièvement blessé, deviendra par la suite l’un des 1.056 combattants de la France Libre faits par le Général de Gaulle « Compagnons de la Libération ». Son aventure est contée comme celle du Capitaine Roussilhe sur le site spécialisé de l’Amicale du 35ème RAP. (Officier de la Légion d’Honneur - Croix de Guerre 39/45 avec 3 citations – Médaille de la Résistance – Médaille des Blessés – Croix des Services Militaires Volontaires – Médaille Coloniale agrafe Tunisie – Médaille commémorative des Services Volontaires de la France Libre).
Un autre personnage entrera dans la légende, le Capitaine Michel de la Blanchardière. Il était l’adjoint de l’Officier commandant le 2ème Groupe de Batteries (4è – 5è - 6è) du Régiment. Gravement blessé, prisonnier et hospitalisé en Belgique, il ne sera libéré qu’à la fin de l’année 1940. Nous reparlerons de lui par la suite.
Le 35ème RAD fut détruit au deux tiers, et une grande partie de ses effectifs se retrouva derrière les barbelés des camps de prisonniers allemands. La totalité de cette fabuleuse aventure et tragédie guerrière est résumée dans une publication que l’on peut consulter en ligne auprès de « l’Amicale du 35ème RAP ». Il s’agit « Des carnets de guerre du Capitaine Roussilhe » qu’il a rédigé le 28 août 1940 alors qu’il se trouvait en poste dans le département de la Haute-Vienne. Pierre Roussilhe avait été déclaré « En guerre contre l’Allemagne », du 3 septembre 1939 au 22 juin 1940, date de la signature du traité de fin des hostilités, traité ayant plus l’aspect d’une capitulation que d’un armistice. Cet officier valeureux ne pouvait se résoudre à la défaite. Aussi, après avoir rejoint cette Armée d’Armistice créée à Clermont-Ferrand, tel ce fameux « Gaulois réfractaire » que nous avons évoqué plus haut, ayant désormais des attaches familiales dans le Cantal et le Lot, il intégrera la Résistance sous le nom d’emprunt que nous connaissons maintenant tous ; « Ambor ».
Cette Armée d’Armistice « dite de transition » est autorisée par l’occupant à présenter un effectif d’un peu de plus de cent mille hommes. En zone libre, elle est constituée de deux Groupes de Divisons Militaires. Au nord, le 1er Groupe comprenant les 9ème, 12ème, 13ème et 17ème Divisions. Au Sud, le 2ème Groupe constitué des 7ème, 14ème, 15ème et 16ème Divisions. L’ensemble sous les ordres du chef de l’Armée, l’Amiral Darlan.
Le 1er novembre 1940, le 35ème Régiment d’Artillerie de Campagne (RAC) est recréé au sein de l’Armée d’Armistice, ceci sous contrôle des commissions d’occupation. Le Régiment s’installe à Périgueux en Dordogne, avec son Etat-Major et deux groupes d’artillerie à trois batteries de canons de 75 mm. Un Etat-Major restreint et un groupe à deux batteries prend ses quartiers à Limoges dans la Haute Vienne.
A cette date, l’unité compte 66 Officiers, 324 sous-Officiers, 965 brigadiers et hommes du rang, ainsi que 600 chevaux. Elle dépend de la 12ème Division Militaire installée à Limoges, qui chapeaute le départements de la Haute-Vienne, les zones non occupées de la Dordogne, de la Charente et de la Corrèze. Cette division est proche de la 13ème Division Militaire en garnison à Clermont-Ferrand, département du Puy de Dôme
C’est à partir de ce moment, que le Chef d’Escadron d’Artillerie Pierre Roussilhe et le Capitaine Michel de la Blanchardière, se retrouvent tous les deux affectés à cet Etat-Major de Division à Limoges. Ils sont tous deux en poste au 3ème Bureau de l’Etat-Major de Division, sous le commandement du Colonel Garreau de la Mechenie, et spécifiquement chargés, sur ordre de l’occupant, de la démilitarisation des matériels.
Cependant, en vertu des ordres non écrits qu’ils reçoivent de leurs chefs, ils ont pour mission, clandestine il se doit, de camoufler le maximum de matériels que l’on peut soustraire à l’occupant. Pour cela, il faut mobiliser un certain nombre de personnels sûrs, Officiers comme sous-officiers sur lesquels on peut pouvoir compter. C’est au sein des unités de la Division Militaire, c’est à dire les 8ème, 16ème et 30ème Bataillons de Chasseurs à Pieds, les 26ème et 41ème Régiments d’Infanterie, le 6ème Régiment de Cuirassiers et le 35ème Régiment d’Artillerie de Campagne, qu’ils vont recruter les hommes qu’il leur faut.
C’est dans ces conditions qu’à partir de la fin de l’année 1940 et durant toute l’année 1941, vont être dissimulés de toutes les manières possibles, et ceci à la barbe des commissions de contrôle allemandes de l’Armistice, une quantité impressionnante de matériels militaires de toutes natures pour le groupe de Divisions Auvergne ; 500 véhicules, des milliers d’obus pour les canons de 75mm, l’armement complet et les munitions pour équiper un Régiment d’Infanterie, des équipements de transmission radiophoniques et filaires, des nécessaires sanitaires, trousses, brancards, du couchage, des couvertures, des chaussures et de l’habillement pour fournir deux Régiments. En gare de Périgueux, 75 tracteurs chenillés Somua pour canons de 155 mm seront subtilisés…
Durant deux années, jusqu’à l’invasion de la zone sud par les troupes allemandes le 10 novembre 1942 « Opération Anton », les Centres de Démilitarisation des Matériels de Clermont-Ferrand et Limoges auront camouflé une quantité impressionnante d’armements. Cet armement servira à la Résistance à partir de fin 1943, quand l’ORA autorisera d’équiper les maquis AS avec celui-ci, c’est à dire ; 1.887 fusils, 741 pistolets-mitrailleurs, 1.034 pistolets automatiques, 377 fusils-mitrailleurs, 182 mitrailleuses Hotchkiss de 8mm, avec tout leurs lots de munitions.
Il faut savoir qu’à la fin de l’année 1941, des officiers et sous-officiers de l’Armée d’Armistice, du plus haut gradé au plus anonyme soldat, de la trempe de Roussilhe et de la Blanchardière, auront, au péril de leur vie, détourné et camouflé à la barbe de l’ennemi, entre 30 et 40 milliards de Francs de l’époque, d’armes, de munitions, de véhicules, de matériels et d’équipements de services divers.
Les chiffres parlent d’eux-même ; 15.000 véhicules divers dont 11.000 cars et camions, 3.500 automobiles, 500 tracteurs routiers, des centaines de motocyclettes, 1.000 tonnes de carburant, des accus, lubrifiants et pièces de rechange. La plupart de ces véhicules étaient camouflés au sein d’entreprises civiles complices sous l’apparence d’engins anonymes, dans le monde agricole, les travaux publics, les transports, etc. Dans les départements alpins, ce furent 8.000 véhicules cachés à même de transporter dans l’avenir l’effectif de 64 bataillons, soit environ 80.000 hommes.
L’armement n’était pas en reste ; des centaines de postes de transmission émetteurs-récepteurs, 400 canons dont 55 de calibre 75 mm, 10.000 armes collectives, mitrailleuses et fusils-mitrailleurs, 150.000 grenades, 1.000 tonnes de munitions d’infanterie, 65.000 armes individuelles, pistolets et fusils, 10.000 obus de 75 mm, etc.
Bien entendu, lors de la répression des services de sécurité allemands survenue après l’invasion de la zone Sud en novembre 1942, durant toute l’année 1943 et début 1944, une grande partie de ces stocks furent découverts et récupérés par l’occupant.
Hommes de confiance expérimentés et compétents, les deux Officiers en poste à Limoges au sein de la 12ème DI, sont convoqués discrètement par le Général Verneau, Chef d’Etat-Major de l’Armée au siège de la Région à Clermont-Ferrand. Dès l’été 1942, en prévision d’une éventuelle et future attaque par les Allemands stationnés en Zone Nord, le Général Frère, entouré des Généraux Verneau, Gransard et Olleris, envisage la mise sur pieds clandestine de 175.000 hommes dans des unités de combats installées dans des réduits difficiles d’accès à l’ennemi, c’est à dire les Alpes, le Massif Central et les Pyrénées. Il s’agissait de constituer 22 colonnes mobiles susceptibles d’engager et retarder l’avance des occupants dès le mois de février 1943. C’est pourquoi dès la mi-août 1942, Roussilhe et de la Blanchardière vont prendre leurs premiers contacts avec les barrages sur la Dordogne, celui de l’Aigle à Mauriac en particulier.
Pris de court avec l’attaque allemande, c’est le 31 janvier 1943, que les quatre Officiers Généraux mettront en œuvre ce mouvement militaire clandestin, « l’Organisation de Résistance de l’Armée ». Ce 10 novembre 1942, fut aussi le jour marqué par un coup d’éclat du Général de Lattre de Tassigny « Le Roi Jean ». Celui-ci commande la 16ème Division Militaire à Montpellier. Dès l’annonce de l’invasion, il prend ses ordres secrets au pied de la lettre, quittant son PC pour se diriger vers les Pyrénées où il compte constituer un bastion défensif avec sa division. Protéger également les ports de Collioure et Port-Vendres afin de permettre l’acheminement de renforts à partir de l’Afrique du Nord, afin d’y constituer une tête de pont. Malheureusement, cette initiative ne verra pas le jour, car appréhendé avec son Etat-Major, il sera conduit et incarcéré à Clermont-Ferrand dont il s’évadera de manière rocambolesque quelques temps plus tard. Réfugié en Afrique du Nord, il sera le futur commandant en chef de la 1ère Armée Française qu’il aura constituée, et à la tête de laquelle il rejoindra la France le 15 août 1944, s’enfonçant au cœur de l’Allemagne jusqu’à la victoire du 8 mai 1945, dont il signera l’acte de capitulation de l’adversaire, et avec quel panache !
Ce 10 novembre 1942, l’Armée d’Armistice est démobilisée pour ne pas dire dissoute, le flotte française mouillée à Toulon se saborde deux semaines plus tard. C’est un nouveau désastre pour ce qui restait de l’Armée Française.
Pourtant, le 12 Novembre 1942, deux jours après l’invasion allemande, les deux Officiers auvergnats se rendent à Mauriac pour y rencontrer l’Ingénieur en Chef du Service Technique des Grands Barrages sur la Dordogne, André Coyne. Ils lui font la proposition d’organiser à partir du chantier du barrage de l’Aigle, un grand mouvement clandestin de résistance, à partir des entreprises, matériels, cadres et personnels employés sur ces travaux.
Nous connaissons tous les conditions dans lesquelles s’est battit cette structure à caractère militaire. Leur interlocuteur désigné par Coyne fut l’ingénieur André Decelle. Les rapports pendant tout le temps que dura cette aventure entre ces trois hommes se firent en toute franchise et et dans la confiance la plus absolue. Il fallait créer une structure de commandement unique sur la base d’un Groupement Opérationnel, et surtout, préparer, instruire, former, équiper et armer des groupes de combats destinés à la lutte à venir, dans le style d’actions de guérilla. Il fallait parvenir à engager, lors du soulèvement, un bataillon d’un millier d’hommes environ.
Pour cela, les deux Officiers, Roussilhe (Ambor) et de la Blanchardière (l’Abbé), commencèrent à faire parvenir dès le mois de novembre de façon la plus discrète possible et à camoufler sur le chantier et aux alentours, les matériels adéquats. Ce furent des véhicules, camions et tracteurs routiers, du carburant, des lubrifiants, des postes de transmission, de l’habillement, etc. Le 12 décembre 1942, ils tentèrent de faire livrer au barrage à partir de Tulle, 7 camions chargés d’armement. Mais ceux-ci furent interceptés entre temps sur le trajet…
Dès ce mois de novembre 1942, ces deux officiers, aidés en cela par André Coyne et André Decelle, tentent de convaincre par tous les moyens, les ingénieurs, cadres, techniciens et ouvriers du barrage d’adhérer à ce qui paraît être une utopie ; Créer un important maquis armé de 1.000 hommes à partir des effectifs employés sur le chantier. Ils y parviendront au-delà de leurs espoirs. Dans leur élan, ils adhéreront à leur idée un peu folle, les farouches et redoutables réfugiés politiques espagnols. Avec l’accord de leurs délégués de la CNT reconstituée, José Herman-Gonzalez et José Berruezo-Silvente, sera créé en France, le premier maquis anarchiste espagnol de 75 hommes, tous des anciens de la guerre d’Espagne aux ordres du Capitaine Juan Montoliu-Del-Campo. Une seconde compagnie espagnole commandée par le Capitaine Miguel Barbosa-Giro verra le jour, un peu plus tard, vers le mois de juillet 1944, après l’opération « Cadillac », qui permettra d’armer un maximum de combattants. Viendront s’y adjoindre des Polonais et des Nord-Africains.
Michel de la Blanchardière, nommé au niveau national responsable des parachutages et des liaison de l’ORA, se chargera de former les premiers responsables des zones de parachutage autour de Mauriac (Poirier et Bouchot) en liaison avec Londres et Alger grâce aux opérateurs radio tel que « Mérinos ». Enfin, à l’issue de ces incroyables préparatifs, réalisés dangereusement sous la menace constante des services de sécurité tant allemands, que français, la première unité constituée du barrage de l’Aigle pourra enfin prendre forme. Composée à l’origine des compagnies « Bruno » et « Bernard », plus la compagnie espagnole, soit environ 400 hommes, elle sera placée sous les ordres du Chef d’Escadron d’Artillerie Pierre Roussilhe qui en prendra le commandement, et sera connue sous le nom de « Groupement Ambor ».
Jusqu’alors, Pierre Roussilhe et Michel de la Blanchardière agissaient dans le secret absolu, de façon autonome et isolés du reste de la hiérarchie militaire. Après la création de l’ORA, au mois de mars l’année 1943, le Général Verneau propose au Commandant Roussilhe d’intégrer cette organisation clandestine. Roussilhe décline cette offre. Il explique que pour accomplir sa mission particulièrement risquée, il doit être totalement libre et indépendant de toute contrainte. Pour les besoins de circuler librement dans la région entre Limoges, Périgueux, Brive, Tulle, Clermont et Mauriac, il ne doit être ni repéré ni identifié par qui que ce soit. C’est la raison pour laquelle il emprunte avec son supérieur une couverture de substitution. Il quitte officiellement l’armée et déclare dorénavant exercer un emploi fictif qui lui permet de se déplacer comme bon lui semble sur les départements de l’Auvergne. Sa mission n’en change pas pour autant. C’est cette décision qui lui sauvera la vie…
Michel de la Blanchardière intégrera l’organisation. Après avoir été affecté à l’Etat-Major de l’Armée, il sera muté quelques temps plus tard au service de l’Inspection des Matériels à Royat. C’est malheureusement en ce lieu qu’il sera appréhendé le 1er octobre 1943 par les services de la Gestapo. En effet, ce jour-là, un coup de tonnerre éclate dans le ciel de la capitale Auvergnate, coup qui aurait pu sonner le glas de l’ORA.
Déjà, le 16 juin précédent, le Général Aubert Frère, chef de l’ORA avait été arrêté par la Gestapo avec son épouse. Condamné, emprisonné à Fresnes, il avait été déporté au camp du Struthof où il décéda le 13 juin 1944. Sa femme sera déportée sur le camp de Ravensbruck le 27 juillet 1944. Elle en reviendra. Le Général Verneau avait repris le flambeau.
Ce 1er octobre 1943, à la suite de trahisons d’agents des réseaux clandestins parallèles à l’ORA, la Gestapo de Vichy assistée de différents services de sécurité allemands, tend une souricière au haut commandement français. Les circonstances de ces trahisons sont relatées dans la biographie destinée au Capitaine FFI Nicolas Rougier, page consultable sur notre site. Des perquisitions et une rafle ont lieu à l’état-major de la Division à Clermont-Ferrand, ainsi qu’à Royat et Romagnat a la Direction et à l’Inspection des Matériels. Une cinquantaine de personnes sont arrêtées, dont 16 Officiers, des sous-officiers et des civils. La plupart seront détenus et questionnés, avec brutalité pour certains, d’autres torturés et assassinés, quelques uns fusillés. La majorité sera déportée en Allemagne, dont certains ne reviendront pas.
Sont arrêtés les Généraux Verneau, Olleris, Gransard, Rumen, les Officiers supérieurs ou subalternes, Boutet, Madeline, de Cugnac, de la Blanchardière, Alloin, Chopin, Waag, Badel, et une dizaine d’autres encore, le Commandant Fontfrède de la Gendarmerie et Weilbacher à l’Intendance de Police, des sous-officiers comme Vogel et Marzloff. Seront aussi appréhendés Monsieur Duthieul au ravitaillement du Mans et le Colonel de Gendarmerie Abadie à Mamers. L’un d’entre eux déjà, avait senti le vent venir lors de la dissolution de l’Armée d’Armistice. Le Général Lenclud qui commandait la Division, avait quitté son poste et était entré en clandestinité dès fin novembre 1942. Il entretenait pour l’état-major de l’Armée d’Armistice des rapports secrets et étroits avec le Général Delestraint (Vidal) chef de l’Armée Secrète.
Heureusement pour diverses raisons, de nombreux cadres de l’ORA et de l’AS échappèrent à la rafle. Beaucoup parmi eux se retrouveront à la tête des unités FFI lors de la libération de la Région au mois d’août 1944. Nous pouvons en citer quelques uns ;
Playe (Eynard), Thollon (Renard), Colin, Parisot de Récicourt (De Marne), Fayard (Mortier), Schmuckel (Chabert), Garcie (Gaston), Plantier (Versin), Joannic, Huguet (Prince), Peyron, Combourieux (Sydney), Friess (Blondel), Valette (Valy), Barlier, Colliou (Roussel), Rebattet (Cheval), Tavert (Jean), Mondange (Thomas), Fossey (François), Aubry, Franoux (Revange), Levy, Merlat (Allard), Putz (Florange), Gossot, Perny, etc. Il en sera de même pour des sous-officiers tels que Debray, Roche, Chevalier, Raffenne, Lindenberg, Roetsch, Simon, Ledeuil, Lallemand, Honoré, etc.
Descendant une vieille lignée d’aristocratie armoricaine, Michel Lucien Marie Poinçon de la Blanchardière, est né le 27 avril 1898 à Saint-Malo. Le 27 avril 1915, à 17 ans, son frère Jean, Saint-cyrien tombé au champ d’honneur le 20 août 1914, Michel s’engage pour la durée de la guerre, dont il sortira avec le grade de Lieutenant, titulaire d’une citation avec médaille de bronze. Il poursuit sa carrière dans le 35ème RAC devenu 35ème RAD, unité dans laquelle il sera gravement blessé à Calais le 26 mai 1940. Hospitalisé et prisonnier en Belgique, il fut rapatrié en France à la fin de l’année 1940 et affecté à l’état-major de l’Armée d’Armistice, puis à l’Inspection des Matériels à Royat.
Arrêté le 1er octobre 1943 il fut transféré à Vichy et enfermé dans les sinistres geôles de la Gestapo. Humilié, maltraité, affamé, brutalisé, torturé sans relâche et questionné durant un mois un demi, il ne parlera jamais, malgré l’arrestation de son épouse Jeanne quelques jours plus tard. Tous les deux furent déportés. Lui au camp de Mathausen le 6 avril 1944, dans lequel il trouva la mort le 24 août suivant. Jeanne, son épouse, sera détenue à la prison du 92ème RI avec Madame Frère, puis déportée au camp de Ravensbruck le 20 août 1944. Elle en reviendra très affaiblie et décédera le 11 novembre 1957, titulaire de la Médaille de la Résistance. Son mari Michel était titulaire de nombreuses décorations, certaines à titre posthume (Officier de la Légion d’Honneur – Croix de Guerre 1914/1918 avec étoile de Bronze – Croix de Guerre 1939/1945 – Médaille Commémorative de la Grande Guerre – Médaille Interalliée 1914/1918 – Médaille de la Victoire – Croix du Combattant Volontaire – Médaille de la Résistance).
Ce fameux 1er octobre 1943, Pierre Roussilhe, par une chance inouïe passe à travers les mailles du filet. Dès qu’il apprend ce qu’il vient de se passer, il récupère dans l’urgence sa femme et ses filles, et quitte précipitamment Clermont-Ferrand afin de les mettre en sûreté. Au cours de la nuit même, il se rend à Mauriac pour y donner l’alerte et fera prendre le maximum de précautions sur le barrage. Mais aucun des hommes arrêtés ne parlera. Le barrage et ses personnels ne seront pas inquiétés. Il n’y aura pas de réaction de la part de l’ennemi, mais la menace aura été chaude. Cette fois-ci, Pierre Roussilhe n’a plus le choix. N’appartenant à aucun réseau structuré de résistance, tel un loup solitaire, il passe de facto dans la clandestinité la plus totale. Il prend réellement en mains le commandement de son groupement et ses contacts avec la hiérarchie de son organisation sont réduits au strict minimum, l’ORA est mise en sommeil durant quelques temps…
Toutefois, une inquiétude se fera jour pour le Commandant Roussilhe. Michel de la Blanchardière, lors de son arrestation, portait sur lui carte de circulation SNCF de son camarade. Or, il était évident que la Gestapo avait découvert ce document et demandé des explications à son porteur, qu’il ait parlé ou non. Le risque était donc dorénavant grand pour lui d’être identifié et recherché. La clandestinité était devenue maintenant une nécessité absolue pour cet officier supérieur.
De ce mois d’octobre 1943 au mois de juin 1944, le Groupement « Ambor » se renforcera avec l’arrivée de nouveaux volontaires et gonflera ses effectifs à environ un millier d’hommes, tel que cela avait été défini à l’origine. Durant cet hiver 1943 et ce printemps 1944, Roussilhe et Decelle, vont tout faire pour aguerrir leurs troupes. Pourtant, les difficultés ne vont pas tarder à survenir. Début juin, peu de temps après le débarquement allié en Normandie, de nouveaux officiers supérieurs surgis d’on ne sait où, sortant du néant, arborant leurs plus beaux uniformes sentant la naphtaline, tout chamarrés de galons et de décorations, se présentent à Mauriac et au barrage, pour délivrer leurs ordres.
Le Colonel Fayard (Mortier), s’installe avec son état-major dans le hameau de la Forestie (voir liste). C’est de là, à partir du 6 juin, qu’il va organiser, structurer et permettre la montée en puissance des futurs bataillons ORA, qui en juillet suivant deviendront les bataillons FFI d’un effectif de près de 4.000 hommes. Des officiers supérieurs de l’AS se présentent et exigent selon l’Ordre de Mobilisation Générale signé par Émile Coulandon (Gaspard) l’exécution de nouvelles directives. Stupeur de la part de Decelle et Roussilhe…
Il leur est ordonné de diriger sans délai leurs volontaires sur le Mont Mouchet où se rassemblent plusieurs milliers d’hommes de l’Armée Secrète. Le but est d’en faire un réduit défensif, afin d’y attirer, maintenir et combattre les troupes allemandes. Il faut empêcher que celles-ci ne partent renforcer le front de Normandie. L’insécurité doit régner partout pour l’occupant. Des officiers et sous-officiers sont demandés, environ une cinquantaine, pour encadrer ces maquisards. Pour les Commandants Decelle et Roussilhe, c’est de la folie. L’avenir leur donnera raison. C’est un refus net et catégorique. Alors, commencent à pleuvoir les menaces de sanctions. Des refus d’obéissance ? C’est un comble ! (Témoignage André Decelle – l’Aigle sur Dordogne – Jean-Louis Salat – page 411).
Nous commençons à voir arriver là les Résistants de la dernière heure. Ceux de la libération des derniers jours que personne n’avait jamais vu auparavant. D’autres agissaient dans l’ombre depuis des années, certains disparus en chemin dans les ténèbres de la répression aveugle et sanglante de l’occupant et de ses sbires. Nos deux officiers résistaient depuis 1942, depuis fin 1940 pour Pierre Roussilhe. Cette antériorité dans la Résistance, leur donnait l’honneur suprême de revendiquer leur participation aux futurs combats de la Libération
Puis en juillet, arrivèrent des ordres pour renforcer les nouveaux groupements en cours de création. Il fallait fournir à ces nouvelles unités, personnels et matériels, prélevés sur le groupement du barrage. C’était « Déshabiller Pierre pour habiller Paul ». De fait, les compagnies polonaises et nord-africaines, les groupes Patrick et Bertrand, etc, partirent avec armes et bagages pour les groupements Eynard (Cdt Playe), Allard (Cdt Merlat) et Renard (Cdt Thollon). Le Groupement « Ambor » se retrouva en sous-effectifs avec seulement 400 hommes disponibles, et sans armes. Colère de nos deux officiers ! Cela commençait à faire beaucoup…
Heureusement que le parachutage de 90 tonnes d’armes par les alliés du 14 juillet (Cadillac), permirent à nouveau de recompléter l’armement des bataillons. Pourtant, les désillusions perdurèrent pour nos deux officiers. Outre le renforcement des autres groupements au détriment de celui du barrage, on redéploya le lieu de cantonnement et d’engagement du groupement « Ambor », le faisant passer de la zone 10 (La Marrone) à la zone 22 (La Cère) et pour l’y maintenir.
En effet, c’est ce qui se passa lors de l’attaque des troupes allemandes et de la Milice en repli de la Préfecture d’Aurillac le 11 août 1944 au niveau du tunnel du Lioran. Plusieurs unités ORA et AS engagèrent l’ennemi à la hauteur de ce point de passage obligé, bloquant les Allemands sur la RN 126. Les combats durèrent une bonne partie de la journée du 12 août. Le groupement « Ambor » était toujours stationné du côté de Pleaux, cantonné dans des missions accessoires et annexes, considérées comme « ridicules » par Roussilhe. Malgré ses demandes réitérées et ses protestations incessantes depuis des semaines, l’état-major FFI refuse toujours d’engager ces hommes vers le lieu des combats. Cela en était trop pour le Chef d’Escadron d’Artillerie Pierre Roussilhe.
Excédé, il claquait la porte et en totale responsabilité il quittait son commandement du groupement « Ambor ». N’étant plus assujetti à l’Armée depuis mars 1943 ni soumis à aucune hiérarchie militaire comme l’ORA, il prenait congé de l’organisation. Il transmettait son commandement au Chef de Bataillon Decelle, qui prenait en main le nouveau bataillon « Didier ». L’état-major FFI du Colonel Fayard, informé de cette situation nouvelle qui changeait la donne, décidait enfin, devant le mécontentement des troupes, cadres comme volontaires, d’engager cette unité. C’est ainsi, que bien tardivement, le 13 août en fin d’après-midi, le bataillon fut dirigé vers le Lioran, où les compagnies « Bernard » et « Bruno », allaient pouvoir enfin « entrer dans la danse ».
Pour le Commandant Roussilhe, la coupe était pleine… Le lendemain, il démissionne et quitte le maquis pour se diriger vers d’autres unités de la résistance dans les départements proches du Lot et de l’Aveyron, au sein desquelles il pourra combattre. Pour les Officiers Supérieurs de l’Etat-Major, ce départ est considéré comme une désertion… . Rien que cela ! Ils établiront des rapports orientés en ce sens dans le but de nuire à cet officier. Pourtant au mois de septembre suivant, Pierre Roussilhe regagnera Paris, où, le 1er octobre 1944 il sera affecté avec le grade de Chef d’Escadron à l’Etat-Major des Armées siégeant dans la capitale nouvellement libérée.
Le 1er janvier 1945, il sera réintégré dans l’Armée d’Active, ceci malgré les rapports et accusations mensongères de deux officiers supérieurs FFI de la région R6 en postes à Clermont-Ferrand qui l’accusaient de refus d’obéissance et désertion devant l’ennemi. Tout était bon pour lui nuire. Nous allons en expliquer les raisons plus après. Le 25 mars 1945, il sera élevé au grade de Lieutenant-Colonel. En toute franchise, malgré son action clandestine d’une évidence criante et son implication totale dans la Résistance depuis plusieurs années, il reconnaîtra ne jamais avoir appartenu à l’ORA, ni n’avoir fait aucune demande officielle afin d’être reconnu membre des FFI. Etait-ce de l’orgueil ? De la fierté ? Une certaine humilité ? Une rancune tenace ? Une vraie déception de ne pas avoir été reconnu par ses pairs à sa juste valeur ? Nous ne saurons jamais quels ont vraiment été les pensées et sentiments réels de Pierre Roussilhe à ce moment là. Toujours est-il qu’il quittera l’Armée 1er févrir 1946 avec le grade de Lieutenant-Colonel de Réserve, et son homologation FFI (GR 16 P 524761) acceptée au titre de la Résistance. Exit la Légion d’Honneur et la Médaille de la Résistance… Pour quelle raison ?
En fait cet ostracisme affiché par certains officiers supérieurs de l’ORA à l’égard de Pierre Roussilhe, et accessoirement envers André Decelle et André Coyne, tenait à plusieurs raisons. D’une part, l’engagement très tôt, dès fin 1940 comme nous l’avons dit, dans les premiers balbutiements de la résistance, d’un Chef d’Escadron d’Artillerie, officier d’active qui sera plus tard en « rupture de banc » avec l’Armée, qui tel un « électron libre », agissait comme on dit en « Free lance », en dehors de toute hiérarchie de l’organisation. Bien entendu cela ne plaisait pas du tout en haut lieu. Son « acolyte », un Chef de Bataillon du Génie devenu « chef de chantier », officier de réserve fait prisonnier de guerre en 1940, évadé d’Allemagne et réfugié depuis au fin fond des campagnes…
Le profil hors du commun de ces deux officiers avec leur bizarrerie d’un « Maquis/Entreprise », unique cas en France occupée, déplaisait totalement à leurs supérieurs. Une autre raison de ce mécontentement, le fait que le Commandant Roussilhe prenait ses ordres directement auprès du Général Verneau auquel il rendait compte personnellement, ceci jusqu’à la date de son arrestation le 23 octobre 1943. Pour cette raison, il s’affranchissait par nécessité absolue du secret, de l’incontournable principe du respect de l’échelle de subordination hiérarchique. Crime de « lèse-Majesté » pour ces mêmes supérieurs.
Ces deux hommes avaient, par leur entrée dans la résistance, une antériorité certaines sur ces gens d’état-major pratiquement inconnus avant l’été 1944, et qui plus est, avaient, à partir d’une structure d’entreprise civile de travaux publics, créé une unité de combat atypique, dont les ouvriers, techniciens et ingénieurs, seraient les soldats, sous-officiers et officiers, futurs engagés volontaires de ce groupement à caractère militaire dénommé du pseudonyme de son initiateur : « Ambor ». C’était plutôt mal perçu des hautes sphères de l’ORA. Ce groupement militaire créé sur le chantier du barrage dès la fin 1942 était la volonté de trois hommes, Coyne, Decellle, Roussilhe. A cette époque, en 1942, les officiers supérieurs en fonction depuis à la tête de l’état-major FFI n’étaient pas là. Où étaient-ils ? On ne remet pas en cause leur engagement et leur courage à partir du mois d’août 1944. Ils l’ont prouvé. Mais l’on sait de manière chiffrée, que la majeure partie des officiers démobilisés de l’Armée d’Armistice à partir de 1943, sont restés pour la plupart « attentistes ». Ils ne se sont révélés qu’au moment des combats de la libération. La jalousie affichée par quelques uns de ces hommes était d’une évidence flagrante. C’est pourquoi, ont-ils tout fait pour déstabiliser cette unité, et nuire à leurs chefs, en la dépouillant au profit des groupements nouvellement créés à leur initiative, les groupements « Allard », « Eynard », et « Renaud », qui en sous-effectifs, manquaient de tout.
Que sait-on de cet engagement tardif dans la Résistance de ces officiers « nouveaux » jusqu’alors inconnus de beaucoup. Les chiffres parlent d’eux même. Le recensement des officiers français répertoriés durant le second conflit mondial, donne les chiffres suivants ;
Au déclenchement de la guerre en Septembre 1939, il y avait 35.000 officiers dans les Armées Françaises. Au moment de l’armistice en juin 1940, 12.000 étaient prisonniers, 1.000 avaient rejoint les Forces Françaises Libres du Général de Gaulle à Londres, 5.000 étaient positionnés en Afrique du Nord, et 6.000 affectés dans les diverses colonies d’Afrique, d’Océanie et d’Extrème Orient, des Antilles-Guyane, de Syrie, soit 24.000 hommes absents du territoire lors de l’invasion de la Zone Sud en novembre 1942.
Il demeurait en France à partir du mois de novembre 1942, 11.000 officiers, dont 4.200 servaient dans l’Armée d’Armistice, 2.000 à titre civil dans les Groupements de Travailleurs Étrangers ou les Chantiers de Jeunesse, et 4.800 qui avaient été démobilisés. Lors de la dissolution de l’Armée d’Armistice par les Allemands début 1943, 1.000 officiers furent mis d’office à la retraite, 1.500 gagnèrent l’Afrique du Nord ou Londres en passant par l’Espagne principalement, 4.000 s’engagèrent à titre personnel dans la Résistance, et 4.500 dégagés des cadres, restèrent dans leurs foyers, s’abstenant de prendre partie, suivant en cela les directives du Maréchal Pétain.
Sur les 4.000 officiers ayant rejoint la Résistance, 1.400 firent partie des Forces Françaises Combattantes, impliqués dans les nombreux réseaux de renseignement et d’évasion répartis sur tout le territoire national, 1.000 participèrent à l’encadrement des Maquis de l’Armée Secrète ou des Francs Tireurs et Partisans, et enfin 1.500 servirent dans l’Organisation de Résistance de l’Armée. Nous voyons bien que la ratio est criant de vérité. Seule, une infime minorité des officiers d’active ou de réserve s’engagèrent résolument de manière clandestine dans la Résistance. Ils n’avaient rien à gagner, mais tout à perdre. Seuls, les portaient dans l’action, l’honneur de la patrie et la Liberté retrouvée. Bien avant l’heure de la Libération, Pierre Roussilhe en fut l’un des précurseurs. Malgré qu’il agissait dans l’ombre et l’anonymat le plus complet, il devint un exemple à suivre.
Devant les mensonges flagrants qui ont été rapportés à l’encontre du Chef d’Escadron Pierre Roussilhe, il a fallu par la production de plusieurs rapports, ceux de Pierre Roussilhe lui-même, de l’ingénieur André Decelle, de l’Ingénieur en Chef André Coyne, du Colonel Vivier (Isotherme), Délégué Militaire Régional de la Zone Sud, du Général Zeller, Chef d’Etat-Major de l’Armée, qui furent portés à la connaissance du Ministre de la Défense, rétablir cet officier dans ses droits, en le confirmant dans son grade et en le réhabilitant dans son honneur bafoué. Justice était enfin rendue à cet homme hors du commun, qui avait refusé la capitulation et porté au plus haut les couleurs de la France, ceci dans le refus de la soumission et de la collaboration, tel le fameux et redoutable guerrier gaulois « Ambor ».
Est-ici que s’arrête l’histoire de Pierre Roussilhe ? Non pas tout à fait.
La guerre terminée Pierre Roussilhe retrouve la vie civile et se dirige vers l’industrie automobile renaissante qui redémarre après ce conflit qui fut dévastateur pour l’économie du pays. Débute à partir de cette période le redressement économique de la France plus connu sous le nom des « trente glorieuses ». Pierre Roussilhe, intègre au fur et à mesure de sa nouvelle et riche carrière professionnelle diverses entreprises liées à la branche automobile des véhicules industriels, poids lourds et utilitaires. D’après ce que l’on sait, il est embauché en qualité d’ingénieur dans diverses entreprises ; Renault, Berliet, Latil, Somua, etc.
Il est nommé Colonel de réserve, créé un Bureau d’Etudes automobiles et devient expert auprès des tribunaux. Mais ses grandes qualités ne s’arrêtent pas là. Probablement inspiré par son beau-père Camille Gandhillon, il se lance à son tour dès 1936, dans la poésie. Pierre Roussilhe fut l’auteur de 150 poèmes puisés dans l’existence passionnée de toute une vie de richesses sans pareil, et ce sont ses descendants qui publieront aux éditions Aube Bleue ce recueil de poésies après sa mort ; « Poèmes d’une vie / 1906 - 1991 ».
Le 24 décembre 1991 (veille de Noël), le Colonel de réserve Pierre Roussilhe, grand patriote et résistant, s’éteint dans la petite commune de Montauroux située dans le département du Var, à l’âge de 85 ans.
Qu’il y repose désormais en paix et que sa mémoire soit enfin honorée avec toute la reconnaissance et les hommages qui lui sont dus !
Sources : - Familles Roussilhe – Dauchy – Roumens – Dugontier.
- Les Amitiés de la Résistance
- Amicale du 35ème Régiment d’Artillerie Parachutiste
- Mémoire des Hommes gouv.fr
- Wikipédia
- L’ORA du Colonel Augustin de Dainville
- L’Aigle sur Dordogne de Jean-Louis Salat
- A nous Auvergne du Général Gilles Lévy
- L’Auvergne des années noires du Général Gilles Lévy
Documents Mémoire des Hommes gouv.fr
Revue de l'Armée Française N° 7 : La Rénovation de l'Armée - Prisonniers de Guerre (Commandant LECOQ) - Regards sur l'Empire (Capitaine G. BONNET) - Formation morale. Les distractions dans l'Armée (Capitaine GAMBIEZ) - Carnets de Guerre. Me 3e Groupe du 35e R.A.D. dans la campagne de Flandres 1940 (Capitaine ROUSSILHE) - La mort héroïque du Sous-Lieutenant Delattre
35e RAP Campagne des Flandres 1940 Capitaine ROUSSILHE
https://www.facebook.com/35.regiment.artillerie.parachutiste