SANTIAGO PAVON, José « Antonio ORDONEZ-MUNEZ »

 

Né le 18 janvier 1913 à Posadas (Cordoba) – Décédé le 9 avril 1989

 

 

Gardien de troupeau en Andalousie, José Santiago Pavon avait fait en 1934 son service militaire au 15ème régiment d’infanterie. L’année suivante il adhérait à la CNT.

 

Lors du coup d’état franquiste de juillet 1936 il s’était enrôlé comme milicien dans une colonne anarchiste. Puis il avait combattu dans l’armée républicaine sur le front nord et notamment en 1937 à la bataille de Bilbao. Après la chute de la ville aux mans des franquistes en juin 1937, il était parvenu à regagner Barcelone et avait continué de participer à la défense de la Catalogne.

 

Passé en France le 10 février 1939 lors de la Retirada, il fut interné au camp d’Argelès de 1939 au 30 juin 1942. Enrôlé à cette date dans un Groupe de travailleurs étrangers (GTE), il fut affecté aux travaux du Barrage de l’Aigle (Cantal) au sein de l’entreprise de bâtiment Ballot. C’est sur ce site qu’allait se reconstituer clandestinement la CNT et s’organiser une compagnie espagnole de maquisards. En juin 1944, sous le nom de Antonio Ordonez-Munez, José Santiago s’intégra à cette compagnie espagnole intégrée au Bataillon FFI du commandant Didier, l’ingénieur André Decelle et commandée par le compagnon José German Gonzalez. Dès le début des combats pour la Libération, avec les autres compagnons, il avait quitté le site du barrage pour rejoindre à pieds le col de Neronne, puis le groupe du Pic Violent commandé notamment par le compagnon Juan Montoliu (voir ce nom). Chargé du fusil mitrailleur du groupe 35 (ou 36), il participa aux combats pour la Libération du Cantal et d’une partie de l‘Auvergne - notamment aux accrochages près du tunnel du Lioran, des colonnes allemandes venant d’Aurillac et se dirigeant vers Clermont Ferrand - jusqu’à la fin septembre 1944 où il avait regagné le barrage pour en terminer la construction.

 

 

José Santiago Pavon (maquis du barrage de l’Aigle)

 

Le 26 avril 1945 il quittait le chantier du barrage et demandait le statut de réfugié politique auprès de la préfecture du Cantal. De cette date à octobre 1954 il allait travailler dans le Var à la destruction des bunkers allemands et à la réparation des ponts, routes et voies ferrées dans les Alpes.

 

Après la scission survenue à l’automne 1945 dans la CNT e exil, il fut membre de la CNT dite collaborationniste favorable aux thèses de l’intérieur.

 

A partir d’octobre 1954, il travailla comme mineur de fond dans les mines de cuivre, de plomb et d’argent du massif des Maures jusqu’à sa retraite en 1973.

 

Fin 1986, pour son action dans la Résistance, José Santiago reçut la médaille et le diplôme de la Reconnaissance attribuée par l’Association des réfractaires et maquisards de France.

 

José Santiago Pavon, qui était resté fidèle à ses idéaux libertaires, est décédé au Luc de Provence (Var) le 9 avril 1989 des suites de silicose.

 

A 22 an, en Andalousie, il était militant de la Confédération Nationale du Travail, un mouvement syndicaliste anarchique. En 1936, il a pris les armes comme milicien anarchiste et a probablement fait partie de la colonne Durruti... Nous savons qu'il a ensuite combattu en 1937, à la bataille de Bilbao, dans l'Armée Populaire de la République, avant de se replier sur Barcelone dans les combats jusqu'à la Retirada en février 1939. De là, l'enfermement dans le camp d'Argelès, puis le barrage de l'Aigle dans le Cantal. 

 

José Santiago-Pavon
José Santiago-Pavon

 

Il y a de cela quelques années, j’avais effectué de nombreuses recherches afin de reconstituer le parcours de mon beau-père, Monsieur José Santiago-Pavon, qui était un réfugié de la guerre civile d’Espagne et auquel je voulais rendre hommage.

 

J’y étais parvenu en grande partie.

 Mais toutefois, il manquait une partie

de l’histoire...

 

C’était le papa de votre maman Manolita, votre grand-père à vous Sabrina et Véronique, ainsi que l’arrière grand-père de Kylian. Je ne cite pas d’autres personnes, car malgré mes tentatives de leur communiquer ce riche passé, je me suis aperçu que cela ne les intéressait nullement...

 

Né le 18 janvier 1913 à Posadas, région de Cordoba, en Andalousie, il avait été comme beaucoup de jeunes gens, happé par la guerre civile en 1936, a l’issue des élections ayant conduit au gouvernement le Front Populaire, élections suivies du putsch des généraux menés par Franco.

 

De 1936 à 1939, ce fut une guerre terrible qui se déroula sur le territoire de cette Espagne, guerre menée entre les troupes républicaines et la junte militaire, qui fit des centaines de milliers de morts, sans compter les blessés, les disparus, et les exilés.

 

D’un côté les armées de la république populaire, renforcées par les gardes d’assaut, les milices anarchistes, socialistes, les communistes du « Poum », les brigades internationales, soutenus par des conseillers militaires de l’Union Soviétique dépêchés par Staline, qui leur fournira une aide substantielle en armements. La France fournira quant à elle des avions et le Mexique de nombreuses munitions.

 

De l’autre, les troupes nationalistes constituées majoritairement de régiments Maures, de groupes fascistes d’extrême droite, des milices royalistes, des « Carlistes », des « Phalangistes », des « Requetés Navarrais », et la « Bandera ». Troupes franquistes renforcées par les corps expéditionnaires italiens de Mussolini et l’aviation nazie fournie par Hitler, la légion « Condor », soit près de 500.000 hommes.

 

Vous savez tous que cette triste guerre s’est soldée par un fiasco pour la République, suivi d’une période sombre de répression après la victoire de Franco. Nous n’allons pas revenir sur toute l’histoire de cette guerre d’Espagne, tel n’est pas là le sujet.

 

Nous savons que la déroute militaire a amené des centaines de milliers de réfugiés civils et militaires a se réfugier derrière la frontière française. On a appelé ce mouvement d’émigration vers l’exil « la Retirada », c’est à dire 500.000 réfugiés espagnols non bienvenus en France, « les indésirables » qui se sont retrouvés internés dans des dizaines de camps du sud de la France.

 

Votre grand-père José en faisait partie.

 

Dans le récit de sa vie que j’avais relaté auparavant, j’avais en partie reconstitué son parcours, tant en Espagne avant l’exil, qu’en France au moment où il s’était retrouvé travailleur forcé sur le barrage de l’Aigle dans le Cantal.

 

Souvenons-nous, qu’il était affilié au syndicat anarchiste de la CNT (Confédération Nationale du Travail), associé par la suite avec la FAI (Fédération Anarchiste Ibérique). Très tôt, ce mouvement de la CNT/FAI s’est levé pour s’opposer à la menace fasciste. C’est ainsi qu’ont été constituées des Colonnes Rapides, composées de miliciens anarchistes qui ont été dirigées dans tous les lieux des combats sur le territoire de l’Espagne. La colonne « Durutti » en était la plus symbolique.

 

Votre grand-père José en a fait partie.

 

 

En novembre 1937, devant les échecs répétitifs des forces légalistes face à l’avancée des troupes nationalistes, les milices anarchistes furent intégrées dans l’Armée Populaire Espagnole, et constituèrent dans leur majorité la 26ème Division d’Infanterie Populaire. Les combats se poursuivirent jusqu’à la défaite totale au début de l’année 1939.

 

Nommé Caporal lors de son service militaire quelques années auparavant, votre grand-père se retrouvait dans l’Armée Populaire Espagnole, peut-être sous le grade de Caporal-Chef.

 

Oui, c’est certain il y était.

 

Il possédait maintenant depuis trois ans l’expérience de la guerre, et en connaissait toutes les horreurs. Malgré la défaite, sa haine envers le pouvoir franquiste et s’en envie d’en découdre devait être à son paroxysme. Malheureusement, comme des centaines de milliers d’autres il était vaincu et se retrouvait contre son gré enfermé dans un camp de concentration quelque part en France.

 

La déception, la tristesse, la rage, l’incompréhension, l’incertitude devant l’avenir, devaient être le lot commun de tous ces exilés ignorant ce que le sort leur réservait, horizon qui semblait bien sombre pour tous.

Camp de concentration d’Argelès-sur-Mer
Camp de concentration d’Argelès-sur-Mer

 

Nous sommes le 10 février 1939. José et ses milliers de compatriotes de souffrance, passent la frontière, remettent leurs armes entre les mains des gendarmes français, et sont conduits sous escortes de Régiments Sénégalais dans des camps de regroupement. Pour lui, ce sera le camp d’Argelès.

 

Nous connaissons leurs conditions de vie en cet hiver 1939. Pas de baraquements, pas d’eau, pas de nourriture, pas de chauffage, pas d’hygiène. C’est par milliers qu’ils mourront de faim, de froid et d’épuisement, dans des trous creusés dans le sable, à même la plage, au bord de la Méditerranée.

 

Oui, votre grand-père José l’aura vécu.

 

Que s’était-il passé par la suite ? Qu’était-il devenu ? Nous ne le savons pas. Une grande inconnue dans son parcours.

 

Tout au plus, avait-il laissé filtrer à ses enfants du bout des lèvres, qu’il avait travaillé durant cette période…

 

Mais pour faire quoi ? Nous n’en savions rien, car il ne se confiait pas. Qu’avait-il fait durant ces trois années ?

Aynes au bord de la Dordogne
Aynes au bord de la Dordogne

C’est le 1er juin 1942, que nous le retrouvons affecté au sein de l’entreprise Ballot, chargé du spectaculaire chantier du barrage de l’Aigle sur la Dordogne, dans le département du Cantal.

 

De cette date au 26 avril 1945, nous savons qu’il logeait dans le petit hameau de Aynes au bord de la Dordogne et au pied du barrage. Seul parmi près de 1.500 ouvriers de 31 nationalités, il s’était retrouvé parmi ses 600 compagnons d’infortune et de misère, les Espagnols employés sur le barrage, dont la majorité étaient les anciens sympathisants et miliciens de la défunte CNT-FAI.

 

C’est en ce lieu, que les responsables espagnols ont reconstitué le syndicat anarchiste en exil, et décidé d’apporter leur concours à la résistance française qui se préparait dans l’ombre sous la botte de l’occupant allemand.

 

José avait retrouvé l’essence même de son idéologie et la volonté farouche de se battre à nouveau contre les forces du mal. C’était un battant ! Un homme qui, quelque soit les circonstances et la peine, ne renonçait jamais.

 

Il est de ceux qui, par leurs mains, leur sang et leur sueur, ont édifié ce magnifique ouvrage.

 

A partir de 1943, on sait que les réseaux de résistance ont pris de l’ampleur dans toute la région de l’Auvergne. De grandes formations communistes des Francs Tireurs et Partisans (FTP) se sont constituées dans la Corrèze limitrophe. Pour le Cantal, ce sont les formations gaullistes de l’Armée Secrète (AS) qui se sont réparties dans tout le département. Sur les bords de la Dordogne, ce sont plusieurs milliers d’hommes qui se sont rassemblés pour former des groupements de marche militaires dépendant de l’Organisation Militaire de l’Armée (ORA).

 

A partir du printemps 1944, les opérations de guérilla pour harceler et chasser l’Allemand ont commencé dans toute la région avec en points d’orgue les batailles du Mont Mouchet en juin et du Lioran en août. On y dénombrera des centaines de morts, soit au combat, soit fusillés ou assassinés après avoir été torturés. On ne compte par les personnes appréhendées et déportées en Allemagne.

 

Autour du barrage de l’Aigle, furent constitués quatre groupements de mille hommes chacun environ ; le groupement « Eynard » du Commandant Playe devenu le 152ème RI, le groupement « Renard » du Commandant Thollon, le groupement « Allard » du Commandant Merlat devenu le 8ème Dragon, le groupement « Didier » du Commandant Decelle. Ces unités dépendaient de l’ORA, elles en possédaient des structures militaires, compagnies et sections, et les hommes étaient encadrés par d’anciens officiers et sous-officiers de l’Armée Française. Elles étaient camouflées et réparties le long de la Dordogne

Commandant André Decelle
Commandant André Decelle

 Celle qui nous concerne, c’était le bataillon « Didier », commandé par le Commandant André Decelle, ingénieur des Travaux Publics, chargé de la réalisation du barrage de l’Aigle. Il avait sous ses ordres plusieurs compagnies, la compagnie « Bruno » du Capitaine Poirier, la compagnie « Bernard » du Capitaine Bouchot, une ou deux compagnies polonaises du Capitaine Theuer et du Lieutenant Kerwiak, une compagnie nord-africaine sous les ordres du Capitaine Gouy et deux compagnies espagnoles. Tous ces hommes étaient des ouvriers du barrage et des chantiers annexes situés aux alentours.

 

Les compagnies espagnoles de 75 hommes chacune étaient sous les ordres de deux officiers, les Capitaines Juan Montoliu-Del-Campo et Miguel Barbosa-Giro. Il s’agissait de formations anarchistes. C’est au sein de la première compagnie que nous avons retrouvé José. Comme il était en tête de liste de l’effectif, on peut penser qu’il était l’un des plus impliqués. L’un des plus courageux et des plus revanchards, peut-être avec le grade de sergent et à la tête d’un des groupes, car on sait que cette compagnie comprenait 5 groupes de 15 hommes. Sur une photo, on le voit poser fièrement les bras croisés (le seul) au milieu des maquisards. Attitude digne et pose altière d’un véritable chef !

Maintenant nous savons, que dès le 6 juin 1944, jour du débarquement des alliés en Normandie, il a rejoint les monts du Cantal, s’installant dans l’un des burons du Puy Violent. C’est là qu’à commencé la formation et l’entraînement de ces hommes qui se préparaient aux futurs combats de libération du pays. Le 14 juillet 1944, 90 tonnes d’armes furent parachutées par les avions américains aux abords du barrage.

 

Ce sont les Espagnols très nombreux sur les chantiers, qui furent amenés sur place, chargés d’entretenir les feux de signalisation la nuit pour guider les avions et ramasser le maximum de conteneurs et parachutes. Tout cet armement fut ramené et caché dans des burons autour du Puy Violent et placé sous la garde et la responsabilité des Espagnols, avant que la distribution ne fut répartie entre l’ensemble des maquisards.

Par la suite, toutes les compagnies du bataillon se regroupèrent près du col de Néronne dans les monts du Cantal. Les Espagnols se retrouvèrent à près de trois cent, portant tous avec fierté le brassard bleu, blanc, rouge des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).

 

C’est à partir de la mi-août que commença le harcèlement des troupes d’occupation qui tentaient de quitter la ville d’Aurillac, le chef-lieu du département. Il y eut de nombreux combats et des pertes sérieuses de part et d’autre. A la fin du mois d’août, les forces nazies, sous la pression des très nombreuses formations de la résistance quittèrent définitivement l’Auvergne.

 

Le bataillon Didier, aux ordres du Commandant Decelle, avec les compagnies Bruno, Bernard, et la première compagnie espagnole, poursuivirent les Allemands jusqu’à Autun où ils leur infligèrent de lourdes pertes. Maintenant leur pression, aux talons des Allemands en retraite, ils montèrent jusqu’à Dijon où ils rejoignirent les éléments de pointe de la 1ère Armée Française du Général de Lattre de Tassigny, avant de redescendre sur le Cantal et terminer la construction du barrage

 

Quelques uns, près de 80 maquisards, dont quelques Espagnols, rejoignirent le Corps Franc Pommiès qui devint le 49ème Régiment d’Infanterie intégré au sein de la 1ère Armée Française. Ils continuèrent les combats jusque dans les Vosges et en Alsace. Ils traversèrent le Rhin et poursuivirent la bataille au fin fond de l’Allemagne vers le Danube jusqu’à la reddition et la capitulation de l’ennemi le 8 mai 1945.

 

José, votre grand-père a vécu cette extraordinaire épopée.

 

J’ai déjà relaté avec détails toute cette histoire et je ne vais pas y revenir.

 Alors, nous savons donc ce qu’il a vécu en Espagne avant le 10 février 1939, puis en France sur le barrage à partir du 1er juin 1942 jusqu’à sa libération le 26 avril 1945.

 

Et entre-temps que s’est-il passé ? Où était-il entre le 10 février 1939 et le 1er juin 1942 ?

 

Avait-il passé plus de trois ans de sa vie, enfermé dans le camp de concentration d’Argelès ?

 

C’est bizarre, car connaissant le caractère bien trempé de l’homme, mon beau-père, je ne le voyais pas rester à rien faire et ruminer derrière des barbelés, pestant contre Franco, Hitler et Pétain ?

 

Votre papa, grand-père et arrière grand-père José, était un homme d’action ! Son fort tempérament Andalou le démontrait.

 

Et bien nous n’en savions rien, et je n’avais pas pu répondre à cette question essentielle pour moi.

 

Durant ces dernières années, je suis resté dans le flou absolu, des interrogations sans réponse, et je ne pensais nullement connaître un jour, un tel rebondissement.

 

En fait, dans le cadre de mon travail de mémoires et de recherches sur les événements survenus autour du barrage de l’Aigle dans le Cantal, mon ami Alain Aubignac et moi-même, alimentons en documents et témoignages sur cette période, le site de « Xaintrie-Passion » dont il est l’administrateur.

 

Les internautes recherchant des informations sur ce site se comptent par milliers. Beaucoup font des recherches personnelles dans le but de retrouver le passage ou la trace d’un de leurs ascendants en ce lieu durant la guerre. Parfois ils obtiennent des renseignements, souvent à notre grand regret nous ne pouvons leur fournir de réponse.

 

Quand il s’agit de recherches concernant des réfugiés espagnols provenant de leurs descendants, Alain me transmet les infos, et me laisse le soin d’effectuer les recherches et de leur répondre. Ces recherches et leurs résultats ont été tellement nombreux que je ne les compte plus.

 

C’est ainsi que nous avons pu échanger nombre de correspondances avec avec les enfants et petits-enfants de ces exilés connus, tels Juan Escoriza-Martinez, Joseph Asens-Giol, José Hernandez-Perez, José Asens-Valera, Caneiro-Pernas Constantino, Francisco Montero-Vaquero, Pedro Raurich-Ventura, Antonio Heredia-Vico, Pedro Garcia-Garrigo, Sébastian Gomez-Silvente, Antonio Gonzalez-Gonzalez, Atanagildo Luengo-Serrano, Antonio Garcia-Martinez et tant d’autres.

 

https://www.memorial-argeles.eu/fr/

https://www.facebook.com/memorialargelessurmer/

Dernièrement, une dame prénommée « Helia », de descendance espagnole nous a sollicité au profit d’une tierce personne qui recherchait des informations sur son grand-père, Pedro Raurich-Ventura.

 

« Helia » maintenant à la retraite, était la responsable du Mémorial du camp d’Argelès dans les Pyrénées Orientales. C’est une dame qui a une profonde connaissance de « la Retirada », qui a de nombreux contacts et relations de tous ordres. Elle connaît donc son sujet sur le bout des doigts.

 

Elle nous demandait si nous pouvions lui fournir des renseignements sur le grand-père d’une personne connue, un ancien sportif de haut niveau devenu depuis comédien pour la télé.

 

Bien entendu, j’ai glané ce que j’ai pu comme infos, et je lui ai transmis au profit du demandeur. Très satisfaite de la réponse que je lui avais donnée, elle m’a demandé si j’avais besoin de quelque chose et qu’elle serait prête à nous rendre service si nous le souhaitions.

 

J’en ai profité pour lui soumettre mes interrogations sur la situation de José dans ce camp lors de son exil. Elle m’a répondu qu’elle allait chercher et me répondre rapidement. Ce qui fut le cas. Après avoir consulté le fichier des réfugiés espagnols dans les archives du département, elle a trouvé les fiches de plusieurs Santiago. La plupart ne correspondaient pas. Par contre l’une des fiches appelaient plus de questions qu’elles n’apportaient de réponses ?

 

 La fiche porte en référence le numéro 22.896 (fiche ci-dessous). Elle a été intitulée au nom de Santiago-Palon José, né le 14 mai 1914 à Enposada (Espagne). Ce réfugié se déclarant agriculteur était localisé au bloc 1/440 dans le camp. Il était arrivé au camp d’Argelès le 11 juillet 1940 venant de la 139ème Compagnie de Travailleurs Étrangers. Il était resté dans le camp du 11 juillet au 3 septembre 1940, puis avait été affecté à la 401ème Compagnie de Travailleurs Étrangers.

 

Pleins d’interrogations me parcouraient l’esprit. J’avais la forte impression qu’il s’agissait bien de la même personne. Que cet exilé recensé sous cette identité approchante était bien mon beau-père José. Je dois même dire que j’en avais acquis la certitude. Maintenant, il ne restait plus qu’à expliciter les incohérences de cette fiche et d’en extraire le substrat.

 

Santiago-Palon à la place de Santiago-Pavon. Soit c’était une erreur de traduction, soit de frappe, soit de dissimulation par José lui-même afin de ne pas l’identifier avec certitude.

 

Date de naissance du 14 mai 1914 au lieu du 18 janvier 1913. Ces renseignements avaient été collectés lors de l’entrée en France de tous ces réfugiés fuyant les horreurs de la guerre dans des conditions dantesques. Ce recensement avait dû se faire dans une confusion et une improvisation totales et bien compréhensibles pour les autorités françaises débordées par l’afflux de ces réfugiés. Une erreur de traduction est peu probable. On peut plutôt penser, que José avait donné une fausse date de naissance, ceci devant l’incertitude de l’avenir et les risques qu’il encourait s’il était renvoyé en Espagne. Il valait mieux y retourner contraint sous une fausse identité.

 

Le lieu de naissance Enposada, est une ville ou une commune qui n’existe pas en Espagne. Il ne peut s’agir à l’orthographe approchante que de Posadas. Encore une fois, erreur de traduction ce qui est possible, ou plutôt fausse commune de naissance communiquée par José pour les raisons que nous avons invoquées.

 

Agriculture, ce qui semble normal pour un gardien de troupeau, profession liée à l’élevage bovin, caprin ou ovin.

 

Arrivée au camp le 11 juillet 1940 en provenance de la 139ème Compagnie de Travailleurs Étrangers. Cela nécessite des explications sur les conditions dans lesquelles ont été créées ces CTE et les circonstances dans lesquelles elles ont été dissoutes. Ces explications nous apporteront les réponses sur le parcours de José entre le 10 février 1939 et le 11 juillet 1940.

 

Mais tout d’abord, il y avait un autre mystère à élucider. En effet, notre José possédait une autre fiche d’identification à un nom approchant répertoriée au sein des archives à Perpignan.

 

Il s’agit de la fiche n° 95.901 (fiche ci-dessous) intitulée au nom de José Santiago-Palau ou José Santiago-Palou. Tous les renseignements annexes sont identiques. La date de naissance du 14 mai 1914 à Enposada, la profession d’agriculteur, la date d’internement à Argelès au 11 juillet 1940 dans la baraque 1/440, la référence du dossier 1260W63 et toutes les informations sur ses affectations successives.

 

Il s’agit donc bien de la même personne, votre père et grand-père. Par contre sur ces deux fiches 22.896 et 95.901, en bas de page, il est fait mention d’une tierce personne ; Fuertes-Justo Manuel. De qui s’agit-il ? Quel lien il y a-t-il entre José et lui ? Nouveaux questionnements ?

 

 

Et bien en cherchant, on finit par trouver... J’ai retrouvé sa fiche qui porte le

n° 95.902 (fiche ci-dessous), juste après celle de José, ce qui signifie que ces fiches ont été rédigées en même temps, les deux hommes devant être ensemble lors de leur enregistrement au camp.

 

Mais, ce qui paraît étonnant c’est que cette fiche ne contient que peu de renseignements. Le nom de la personne, Fuertes-Justo Manuel ou Fuentes-Justo Manuel. Aucune date ou lieu de naissance, pas de profession, pas de dates d’arrivée ou de départ, aucune affectation, seulement le numéro de son cantonnement dans le camp d’Argelès n° 5/231, et le lien en bas de page avec José.

 

En poussant un peu plus en avant ces recherches, on finit par découvrir, qu’un dossier comprenant divers documents est détenu à son nom au sein des archives départementales, mais qu’il n’est consultable en salle de lecture que sous forme de microfilm. Nouvelle déception…

 

Alors voyons plus loin, sur la toile. Et la surprise, un lien au nom de Manuel Fuentes-Justo. Cet espagnol exilé était déclaré en fuite, évadé d’une prison du port de Ferrol, quartier Mugardos à La Corogne, en juillet 1939 à destination de la France, et qu’une enquête judiciaire avait été ouverte sous le numéro 2134/1939, pour évasion et rébellion militaire. Et ce qui ne manque pas de piment, c’est qu’il était surnommé « Python ». Encore un pseudonyme guerrier ?

 

Sans consultation de son dossier au chef-lieu des Pyrénées Orientales, nous ne saurons jamais quels étaient les liens qui unissaient ces deux hommes. Des frères d’armes, des camarades de combat, des compagnons d’errance et de misère lors de la Retirada, des sympathisants, militants ou miliciens anarchistes, des soldats de l’Armée Républicaine ? Manuel n’est pas recensé comme anarchiste… Toujours est-il qu’ils étaient liés par un pacte que nous ignorons, et qu’en 1939 et 1940, ils se trouvaient ensemble dans le camp d’internement d’Argelès.

 

Bien, revenons à ce que nous avons évoqués précédemment, la création des Compagnies de Travailleurs Étrangers.

 

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne nazie envahit la Pologne. Le 3 septembre, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Le 10 mai 1940, c’est la guerre éclair, les troupes nazies attaquent et envahissent le Luxembourg, les Pays-Bas, le Belgique et la France. Après quelques semaines de durs et sanglants combats, durant ce qu’on appelle la bataille de France, c’est la défaite et l’armistice le 25 juin 1940. Les troupes d’occupation allemandes occupent la zone nord de la France, tandis que la zone sud incombe au régime d’état de Vichy dirigé par le Maréchal Pétain. La France est coupée en deux. Les Anglais continuent la guerre seuls contre Hitler. Une guerre qui va durer cinq longues années et s’achever par la chute du régime nazi et la ruine de l’Allemagne.

 

Dès le début de l’année 1939, les gouvernements européens savaient qu’une guerre se préparait contre l’Allemagne. On allait mobiliser dans les mois à venir, et la nation avait besoin de tous ses hommes. Il fallait s’armer et se préparer aux combats futurs qui ne tarderaient pas à survenir.

 

Avec la fin de la guerre civile d’Espagne, le gouvernement de la 3ème République avait vu refluer sur son sol, près de 500.000 réfugiés politiques, civils et militaires, certains avec femmes et enfants. A compter de cet hiver 1939, on laissa le choix à un certain nombre de réfugiés, soit de retourner en Espagne, soit de partir pour l’exil en URSS ou en Amérique Latine, soit de rester en France et s’y installer sous certaines conditions.

Un grand nombre de ces réfugiés regagnèrent leur pays d’origine. Il ne restait en France que les plus impliqués politiquement aux risques de représailles chez eux. Ils étaient plusieurs dizaines de milliers enfermés dans les camps, principalement dans ceux de Argelès, Saint-Cyprien, Barcarès, Septfonds, Bram, Gurs. C’est parmi cette multitude qu’à partir du printemps 1939 on recruta la main d’œuvre destinée à l’armement, à l’industrie et à l’agriculture. D’abord par appel au volontariat, puis au fur et à mesure des mois écoulés, au travail obligatoire qui devint bientôt travail forcé.

 

La France recrutait ses forces vives pour la guerre et faisait venir d’Afrique et ailleurs ses troupes indigènes. Les Espagnols qui voulaient pouvoir bénéficier du droit d’asile en France devaient en contrepartie se soumettre à une mobilisation économique sous forme de prestation. C’est ainsi que par un Décrêt-Loi du 12 avril 1939, furent créées les Compagnies de Travailleurs Étrangers. Elles dépendaient du Ministère de la Défense. Près de 104.000 Espagnols, anciens militaires, communistes, ex-miliciens anarchistes, brigadistes, furent incorporés de diverses manières au bénéfice du pays. Plus de 55.000 étrangers appelés « prestataires militaires » furent incorporés en unités constituées de 250 hommes par sections de 50 dans ces fameux CTE, dont les premiers opérationnels recrutèrent dès avril 1939. Près de 40.000 intégrèrent individuellement les structures de l’industrie, de l’agriculture, des houillères, des poudreries, des mines, des forges, des usines aéronautiques et d’armement. Aux alentours de 6.000 s’engagèrent dans la Légion Étrangère (LE) ou les Régiments de Marche de Volontaires Étrangers (RMVE). Enfin 3.000 travailleurs inaptes restèrent internés dans les camps.

Au mois d’avril 1940, on comptait 220 CTE répartis dans 67 départements, unités essentiellement composées d’Espagnols, d’Allemands, d’Autrichiens, de Tchécoslovaques et d’anciens membres des Brigades Internationales. Ils étaient encadrés par des Officiers et sous-officiers français. Certains se retrouvèrent sur des chantiers dans la zone des Armées au Nord et à l’Est du territoire, au contact de la ligne de front, et lors du conflit à partir du mois de Mai 1940, subirent de lourdes pertes du fait de l’ennemi. Près de 8.000 perdirent la vie lors des combats, et près de 7.000 se retrouvèrent prisonniers des Allemands et internés au camp de Mathausen, dont un millier seulement survécut et pu rentrer en France.

 

On a vu qu’au 11 juillet 1940, José rentra à nouveau au camp d’Argelès, venant de la CTE 139.

 

Il suffisait de rechercher quelle était cette compagnie et où avait-elle été affectée ? En fait elle se trouvait dans le département de l’Eure, en région de Normandie où avait été placées à partir du mois de décembre 1939 et durant les mois suivants 7 compagnies ; les unités 114 - 139 – 160 – 179 – 187 – 188 et 224. Elle avait été créée le 19 décembre 1939. La Compagnie 139 où servait José avait d’abord été dirigée sur Rouen en regroupement avec les autres unités, puis déplacée dans l’Eure (27) au profit du service des Eaux et Forêts. Elle s’installa à Lisors, petite commune du département, où les hommes furent employés au bûcheronnage et aux travaux forestiers, avant d’être repliée par la suite sur le secteur de Nantes, au fur et à mesure de l’avancée des zones de combat et du retrait des troupes françaises.

 

Les conditions de vie, de travail, d’hygiène, de logement et d’alimentation étaient dures et spartiates. La discipline militaire très rude. Malgré l’existence d’un contrat, le prestataire ne percevait pas plus de 50 centimes de solde par heure travaillée, et au mieux avec une prime de rendement, il ne dépassait pas 200 Francs par mois pour se nourrir à la popote. Un ouvrier agricole de l’époque percevait mensuellement près de 1.000 Francs. Le prestataire bénéficiait de quelques jours de permission, d’une ration de tabac de 160 cigarettes et deux timbres par mois. C’était une vie de dur labeur et de grande misère...

 

Le 22 juin 1940 la guerre est perdue et l’armistice signée dans la foulée. Les Compagnies de Travailleurs Étrangers sont dissoutes et les effectifs redirigés sur leurs cantonnements d’origine. Celui d’Argelès pour José, où il arrive le 11 juillet 1940. Durant tout l’été, il est maintenu dans ce camp, ignorant ce qu’il adviendra de lui-même et de tous ces hommes dans les mois à venir, ceci dans un pays vaincu et soumis au dictât de l’occupant.

 

 En juillet 1940, la 3ème République est moribonde, l’état Français de Vichy prend le contrôle du pays, la partie située au sud de la Loire plus précisément. Qu’allait-on faire de tous ces étrangers inoccupés et d’idéologie subversive ? Les renvoyer chez eux où plutôt les utiliser à moindre frais au profit de l’économie défaillante du pays. La réponse est trouvée.

 

C’est la Loi du 27 septembre 1940 promulguée par le régime de Vichy, qui ordonne le regroupement et le contrôle des étrangers sous l’aspect de formations placées pour emploi sous l’autorité du Ministère de la Production Industrielle et du Travail. Ainsi naissent les nouveaux Groupements de Travailleurs Étrangers destinés à remplacer les Compagnies de Travailleurs Étrangers. L’encadrement reste militaire.

 

Le principe est pratiquement le même, mettre à disposition de l’économie du pays, de la main d’œuvre bon marché, dans les différents secteurs d’activité qui en ont la nécessité. Environ 80 pour cent des effectifs de ces GTE seront constitués d’Espagnols. On comptera environ 37.000 étrangers dont 31.000 Espagnols incorporés dans plusieurs centaines de groupements répartis dans toute la zone sud du pays.

 

Pour l’Auvergne, on compte une trentaine de groupements comprenant quelques milliers d’hommes, dont 6 groupements pour le Cantal ; Les GTE 401 – 417 – 431 – 664 - 864.

 

José Santiago Pavon
José Santiago Pavon
José Santiago Pavon (été 1944)
José Santiago Pavon (été 1944)

José Santiago Pavon (été 1944)

 

Compagnie de travailleurs étrangers de 1939 à juin 1940

 

https://www.legislation.cnav.fr/Pages/texte.aspx?Nom=CR CN_1880_07021980

 

 

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