Un livret commémoratif - en quadrichromie - de 30 pages, retraçant les principales étapes de la vie de JM, de sa gestation au passage à la Résistance active sur le feu vert de Londres, est disponible auprès du Trésorier au prix de
7 € port compris...
Le 1er juin 1944, la BBC diffuse le message :
« Coup d'envoi à 15 heures »
signal du passage à la résistance intérieure française de
Jeunesse & Montagne.
Le 3 juin, l'École des cadres bascule dans la Résistance et va devenir la colonne rapide n° 6 des FFI d'Auvergne
THOLLON me prit à part :
"Je suis dorénavant le Capitaine "Renaud"
, me dit-il ; "chacun d'entre nous pourra se choisir un pseudonyme
SOUVENIRS D' AUVERGNE
Il s'agit plus d'un témoignage que d'un historique, même si les faits rapportés ont eu l'aval des historiens et suivent de près la chronologie des événements.
Ce témoignage est dédié à la mémoire d'un homme, Robert THOLLON, dont la personnalité rayonnante a marqué, de 1940 à 1948, année de sa mort accidentelle, tous ses compagnons de "JEUNESSE et MONTAGNE" et de l'Armée de l'Air, ainsi que de nombreux cadres des Troupes Alpines. Il s'est simplement proposé d'animer d'un authentique vécu une relation de la tranche la plus éclatante de sa carrière : celle d'un prestigieux pilote de chasse devenu, du fait des circonstances, chef de l’École des Cadres des Groupements "JEUNESSE et MONTAGNE" qui, derrière une façade officielle, maintinrent sous l'occupation allemande, et suivant une formule inédite, l'esprit des Ailes Françaises.
Il est dédié aussi à tous ses compagnons, ceux d'Auvergne et aussi ceux qui, restés "alpins" ou disséminés, furent associés à l’œuvre et au combat communs.
Il est dédié enfin à ses camarades de l'Organisation de la Résistance de l'Armée qui ont su les accueillir, les intégrer, et les mettre en avant, lui et eux.
Henri LAURENT
AVANT-PROPOS
L'histoire du "Groupement RENAUD" (qui a été écrite par THOLLON lui-même le 30 septembre 1944, au long d'un rapport adressé au Général REVERS, Chef de l'"Organisation de Résistance de l'Armée" - O.R.A. -) a largement pris sa place dans de solides ouvrages d'historiens :
- celui, fondamental, de Gilles LEVY et Français CORDET "A NOUS AUVERGNE" (Presses de la Cité, 1974)
- d'Henri INGRAND "LIBÉRATION DE L'AUVERGNE" (Hachette, 1974)
- du Colonel de DAINVILLE "L'O.R.A., la Résistance de l'Armée" (Lavauzelle 1974),
- des nombreux écrits de notre ami Henry ARCHAIMBAULT, publiés dans la Revue J.M.
- de nos anciens chefs directs, le Général Roger FAYARD et le Colonel SCHMUCKEL.
- de ceux que conserve l'O.R.A.,
"Le MOI est haïssable" : c'est aussi pourquoi j'ai longtemps hésité à ajouter à ces études sérieuses et documentées, et qui concernent les faits d'une vue d'ensemble, un témoignage personnel que j'estime, en toute humilité, ressortir à la "petite histoire", même s'il met en jeu une personnalité de la stature de Robert THOLLON.
Je n'ai pas été dès le début, comme beaucoup le croient encore, "dans le secret des dieux"; je ne l'ai été que progressivement, sachant simplement, d'abord, ce que sait un Officier de Renseignements qui était aussi une manière d'Aide de Camp, et qui devenait surtout, au fil des jours, un ami. Robert THOLLON a toujours su, en effet, rester très secret et pratiquer au sein de l'équipe J.M., si dévouée qu'elle lui fût, le compartimentage des responsabilités. On en trouvera un premier exemple dans la relation qui suit immédiatement de mes souvenirs du mois de mai 1944 : ils comportent bien des "blancs" que pourront sans doute compléter les autres membres de l'Equipe. J'ai la conviction que nous avons du à cette maîtrise de soi d'avoir évité bien des écueils, notamment pendant ce dangereux mois de mai qui imposa des démarches risquées et des décisions urgentes dans un environnement neuf pour nous, "néo-auvergnats", arrachés à notre implantation alpine et à l'action qui avait été programmée.
Un mot encore : je puis être très précis quand je témoigne de ce que j'ai vécu. Je l'ai consigné, jour par jour, au moment des faits, en cachette sur un agenda de poche grand format. Je confesse que c'était une faute grave, tempérée toutefois, je le croyais du moins, par une graphie que j'espérais hermétique : c'était bien à tort car MM. les "Gestapistes" étaient des décrypteurs efficaces.
Je dois enfin à notre grand ami (et grand patron de l'époque), le Général FAYARD (ex-Colonel "MORTIER") et au dossier qu'il a bien voulu me communiquer, d'avoir pu - quand il le fallait pour expliciter les faits - élargir les perspectives de ce témoignage qui, dans ses grandes lignes, suivra, à compter du 3 juin 1944, celles du Journal de Marche du Groupement RENAUD, déposé au Service Historique de l'Armée de l'Air. Je lui en dis ma profonde reconnaissance
II - UNE LONGUE MARCHE
Nous marchions en silence depuis plus d'une heure. Notre chemin, étroit et sinueux, serpentait par monts et vaux après une traversée du village endormi de Nadaillat. Nous parcourions, alternant avec des paysages boisés, d'immenses espaces dominés par la chaîne des Puys qui ressortait vaguement dans une lumière bleutée.
BONNAMOUR, qui conduisait notre colonne, nous fit soudain quitter la route et nous nous retrouvâmes groupés en cercle sur une lande bordée de hauts genêts et de jeunes arbres. (J'ai appris, plus tard qu'il y avait, un peu plus loin, un menhir couché... Quel symbole !).
THOLLON était là. Il nous parla, d'une voix brève et contenue, sans effusion, mais avec une pointe d'émotion. Notre "marche de nuit" - dit-il en substance - ne nous ramènerait pas, demain à Theix. Elle conduirait tous ceux qui accepteraient de le suivre... au combat dont la préparation était, depuis près de quatre ans, la raison d'être de J.M. L'Organisation de Résistance de l'Armée nous avait fixé rendez-vous. Ses chefs, se défendant de toute inféodation, nous attendaient, à la veille d'événements décisifs, pour reprendre les armes et libérer notre Pays. Si nous répondions à leur appel, nous combattrions au côté d'autres organisations patriotiques, sous notre uniforme et dans la seule discipline militaire ; et notre Ecole des Cadres, ainsi que tous les éléments de J.M. et de l'Armée de l'Air qui nous rejoindraient, resteraient groupés en une Unité qui garderait l'esprit J.M.. Nous étions libres ; ceux qui préféreraient rentrer à Theix pouvaient le faire et nous quitter immédiatement. Ceux qui nous suivraient devraient se considérer comme mobilisés et assujettis aux règles militaires. Nous avions dix minutes pour nous décider ...
Je regardai autour de moi. Dès les premiers mots de notre Chef, je sentis une tension, perceptible à un silence qu'accentuait encore le décor extraordinaire de cette scène. Malgré tant de signes accumulés depuis des jours, c'était comme un choc ! Il y eut peu de conciliabules : chacun rentrait en soi-même... Lorsque, au bout de dix minutes, le commandement "FAIRE FACE" nous figea de nouveau et que THOLLON demanda simplement ! : "Avez-vous réfléchi?", un "OUI" unanime - chuchoté, selon les consignes, mais accompagné d'un large sourire - lui fit écho. Une fois de plus, le courant était passé !
"Eh bien, continuons notre route", dit-il.
C'est ce que nous fîmes pendant deux nuits et un jour, avec de courtes haltes toutes les deux heures et huit heures de repos durant l'après-midi du dimanche 4 juin. Notre itinéraire, après Theix et Nadaillat, passa par Sautevras, Fohet, Prades, Monne, Le Vernet-Sainte-Marguerite, Boissières (sur la route de Murol à Saint-Nectaire), Groire, Saint-Victor, Besse-en- Chandesse, route de Compains ...
C'est pendant l'arrêt du 4 juin après-midi, en vue du lac de Montcineyre, peu avant Compains, que disparurent deux de nos Agents qui partirent en emportant vélos et paquetages, ainsi que le jeune chauffeur DUMONT qui nous quitta au volant de la petite voiture verte mise à notre disposition par les Chantiers. THOLLON, bien que fort dépité par cette perte, fut peu sévère pour ce garçon qui n'était pas des nôtres et qui ne faisait, après tout, que rejoindre son Unité à laquelle nous l'avions "emprunté" depuis quinze jours. Il le fut davantage pour les deux J.M. qui n'avaient pas eu, la veille, le courage de leur choix. Il nous réunit, au soir, avant le départ pour l'étape suivante, et offrit une ultime chance aux hésitants, s'il y en avait. Ensuite, tout départ serait sanctionné comme une désertion. Un seul se manifesta et fut autorisé à nous quitter. Mais il nous revint un peu après, ayant réfléchi.
La deuxième nuit de notre longue marche - du dimanche 21 h au lundi 7 h - nous conduisit de Compains à Lugarde, via Espinchal, Montgreleix, Marcenat et Saint-Bonnet. Nous avions ainsi marché quelque 90 km depuis Theix. Après six heures d'attente, je pris place, avec la moitié de notre effectif, dans un car antique, poussif, à gazogène, sur le toit duquel deux énergumènes "servaient" un fusil-mitrailleur en batterie... : protection dérisoire ! Pendant sept heures, cet engin guerrier (que nous dûmes pousser à plusieurs reprises sur des côtes trop raides) nous conduisit au point de ralliement fixé par l'O.R.A. : au pont de Rodomont, sur la Maronne, près d'Arnac - après être passés par Cheylade, Le Claux, les cols de Serres, d'Eylac, de Néronne, Salers, Ally et Pléaux.
Du pont de Rodomont (qui a, depuis lors, disparu sous les eaux du barrage d'Enchanet), l'infatigable BONNAMOUR nous fit cheminer le long de la Maronne, y organisa des ablutions collectives, et nous fit enfin monter, à la nuit tombante, au hameau de Langairoux ... à l'écart de tout ; j'y eus une impression de "bout du monde". La deuxième moitié de notre effectif nous y rejoignit le lendemain soir, mardi 6 juin).
Un Officier Supérieur, en tenue réglementaire de Commandant de Chasseurs-Alpins, nous accueillit. Le Commandant PUTZ, dit "Florange", abritait derrière d'épaisses lunettes un regard attentif et perçant, et ses propos étaient gentiment caustiques. Rien n'échappait à cet alsacien à l'esprit critique et vif. Il était occupé à organiser, en un temps record, le "2e bureau" de l'Etat-Major Régional et un Service de Renseignements, la "Centrale Lafayette", dont j'allais pouvoir, en maintes occasions, constater l'efficacité. Il nous quitta assez vite : d'autres arrivants étaient attendus à Rodomont.
Gabriel Putz, dit « Florange » (décédé en Algérie)
Au soir du 5 juin, nous étions donc installés - bien sommairement - dans des granges à Langairoux. Nous devions y rester deux jours. Nous étions pris en subsistance par les hommes d'un "Maquis O.R.A. du Mont Dore", replié en Cantal après bien des vicissitudes, et aux ordres d'un Commandant "Carlhian" qui allait jouer un rôle déterminant, un mois plus tard ...
En ce soir du lundi 5 juin, je devais assurer avec SABATIÉ et de NERVO, des rondes de nuit. Entre deux rondes, nous fîmes halte chez des paysans de Langairoux qui avaient un récepteur radio. Ecoutant avec eux la B.B.C., j'entendis, répété plusieurs fois et de façon insistante, le message "LES SANGLOTS LONGS DES VIOLONS ..". THOLLON qui nous avait quittés jusqu'au lendemain, m'avait signalé ce message comme "important", sans plus ! Et nous plaisantâmes quelque peu sur le thème de cette "berceuse" ... Mais, au petit matin du 6, nous apprîmes le débarquement allié en Normandie.
D'un coup, tout changeait. Une intense allégresse emplit nos cœurs. Toute la journée, nous nous pendîmes à la radio.
THOLLON, à son retour, eut un long entretien avec un visiteur qui s'était présenté en tenue régulière de Commandant du Génie : le
Commandant "Eynard" (de son vrai nom : PLAYE). Il fut, en effet, pendant plus d'un mois, le chef du Groupement de la zone de Pléaux à laquelle nous fûmes d'abord rattachés. Il était d'un abord un
peu froid, mais il nous mit vite en confiance par sa sûreté de jugement, sa compréhension, son humour et son esprit de décision. Ses rapports avec THOLLON furent cordiaux.
Le lendemain, THOLLON me prit à part : "Je suis dorénavant le Capitaine "Renaud", me dit-il ; "chacun d'entre nous pourra se choisir un pseudonyme, son prénom par exemple". Et il partit avec le Cdt EYNARD et BONNAMOUR à la recherche d'un cantonnement plus vaste pour la Compagnie que nous allions former grâce à d'autres ralliements attendus. En attendant, notre souci était le manque d'armes : l'O.R.A. ne pouvait nous donner, pour l'instant, qu'une vingtaine de mitraillettes "STEN", qui furent distribuées aux quatre Sections en formation. En attendant les parachutages, nous devions nous tenir tranquilles..., pourvu que les Allemands nous le permettent.
THOLLON revint le 7 au soir. Il nous réunit à Langairoux pour nous informer de l'organisation qu'il donnait à sa "Compagnie Renaud". Elle comprendrait, dans l'immédiat, quatre Sections aux ordres des Lieutenants DOLÉAC et LISBONIS et des Sous-Lieutenants MICHEL et JARRY. Le Capitaine Renaud aurait un Etat-Major composé de son Adjoint, le Lieutenant GOAILLE, de l'Aumônier-Capitaine AUBRY - chargé, avec le Sous-Lieutenant BONNAMOUR, de l'instruction militaire - et de moi-même, Officier de Renseignements. AMANIEU était chargé des Services Généraux ; André RICHARD et EYRAGNE du ravitaillement et de l'intendance. Le Docteur ROBERT assurerait le Service de Santé, avec l'infirmier ASQUIEDGE. Les Chefs de Groupe et d'Equipes dans la hiérarchie J.M. étaient soit affectés aux Sections, soit mis en réserve d'Etat-Major en vue des tâches à venir.
Nous rejoignîmes les nouveaux cantonnements ; les trois hameaux de Lajarrige, Germanès et Combret, à environ 2 km au Nord de Langairoux, un peu plus à l'écart de la Maronne. Le soir du 8 juin, nous y étions installés dans des granges. Une maison vide pouvait abriter un Poste de Commandement. Nous devions y rester jusqu'au 14.
Avant de quitter Langairoux, j'eus avec THOLLON une longue conversation, la première après ces quatre journées si remplies. Il commença par me dire qu'il avait détaché Robert de NERVO en qualité d'Officier de Renseignements auprès du Commandant de Groupement qui lui demandait de pourvoir ce poste et qu'il me gardait à ses côtés pour la même fonction, en raison de mes liens d'amitié avec lui. Et il me dit, à grands traits, ce qu'il avait appris des structures de la Résistance dans l'Arrondissement de Mauriac qui nous recevait - structures auxquelles nous serions intégrés sous la bannière de l'O.R.A.
Je pense le moment venu, en anticipant sur la chronologie des décisions et d'événements qui s'échelonnèrent jusqu'à la fin de juillet, de préciser l'organisation de nos nouvelles structures dont nous ne connaissions encore que l'ébauche.
Les historiens, unanimes, parlent de la "République de Mauriac", qui fut libérée (ou presque) dès le début de juin, et où se réunirent, pour des conférences de portée nationale, les personnalités les plus considérables de la Résistance. (Voir, à ce sujet, les livres d'Henri INGRAND, ex-Commissaire de la République à Clermont-Ferrand, et du Général Gilles LEVY). Je me bornerai simplement à rappeler avec qui et comment nous sommes devenus un des composants des "F.F.I. d'Auvergne" ; je l'ai appris d'abord par THOLLON, puis par la Centrale de Renseignements "La Fayette" montée à Mauriac par le Cdt PUTZ-"Florange" ; enfin, à partir du début août, par le Colonel "Mortier"-FAYARD.
Pour qui s'étonnerait d'apprendre que des colonnes allemandes venant d'Aurillac, de Saint-Flour, ou de Clermont-Ferrand s'arrêtaient régulièrement à Mauriac - jamais très longtemps, heureusement - je rappellerai qu'un extraordinaire "double-jeu" y avait été mis en place : les "autorités légales" assuraient une permanence fictive et une "figuration" chaque fois que c'était nécessaire (le Sous-Préfet TURC, en particulier, mérita bien de la Résistance), tandis que la "Résistance Civile", aux ordres du Préfet du Maquis - "Chastang" - assurait une permanence réelle.
Ce n'est donc pas par hasard que le Colonel "Mortier"-FAYARD s'installa près de Mauriac lorsqu'il prit le commandement régional de l'O.R.A. en "R6" (la Région couvrait les départements du Puy de Dôme, de l'Allier, de la Haute-Loire et du Cantal) après la décapitation, en mars 1944, de son Etat-Major de Clermont-Ferrand. C'est dans les secteurs voisins du col de Néronne et de Pléaux que les rassemblements O.R.A. du début de juin furent organisés grâce à la bonne implantation de la Résistance, à la présence de groupes valeureux des M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance) et, aussi, à la proximité très sécurisante du BARRAGE... !
André COYNE André DECELLE Marcel MARY
A une dizaine de kilomètres dans l'Ouest de Mauriac et une douzaine au Nord de Pléaux, une véritable ruche humaine s'affairait, depuis 1939, à construire sur la Dordogne, au lieu-dit "L'Aigle", un des plus grands barrages destinés à l'industrie hydroélectrique qu'ait jusqu'alors conçu le célèbre ingénieur André COYNE. Environ 1.300 hommes y travaillaient, sous la direction des ingénieurs polytechniciens André DECELLE et Marcel MARY. Cet énorme chantier avait sa cité, son approvisionnement, ses services (matériel, transports), son infirmerie (qui accueillit à plusieurs reprises des maquisards blessés) et, bien sûr, ne lésinait pas sur les explosifs. Les Allemands ne l'aimaient pas, et pour cause : c'était un secret de Polichinelle que ce chantier était bien disposé en faveur de la Résistance - d'autant que de nombreux réfugiés, y compris des Espagnols, faisaient partie de son personnel. Mais ils tenaient à l'achèvement du barrage qui leur garantirait, dans l'hypothèse d'une guerre longue, de substantielles fournitures d'électricité (évidemment, tout y était mis en oeuvre pour ruiner ces espoirs).
Un secret, pourtant, était bien gardé : celui de l'identité d'un certain Commandant "Didier", Délégué Départemental de l'O.R.A. en Cantal, dont on savait qu'il travaillait en étroite liaison avec le Colonel "Mortier" et son adjoint, le Colonel "Chabert" (de son vrai nom SCHMÜCKEL) installés tout près du chantier, à la Forestie de Chalignac. On parlait, au Centre "Lafayette", d'ingénieurs et de chefs de travaux sympathisants, et aussi d'un instituteur voisin du chantier qui avait rendu de grands services. En tout cas, le Cdt "Didier" avait ses entrées au Barrage, et l'O.R.A. y avait, à l'évidence, un point d'appui solide. Des parachutages d'armes avaient eu lieu tout près, à la Forestie, en été et automne 1943 (les mitraillettes qui nous avaient été données ce 7 juin en provenaient).
Le col de Néronne était un point de rassemblement privilégié de l'O.R.A. pour y accueillir les nouveaux combattants : un "Maquis" permanent les y attendait (il hébergea, dans la nuit du 5 au 6 juin, la seconde moitié des nôtres). Ce Maquis était composé d'éléments locaux, dont plus de la moitié étaient des "dissidents" du Barrage, et d'un "Corps-Franc Aymé" d'obédience O.R.A. - celui-là même qui allait nous rejoindre à la fin de juillet -. Il était commandé par un jeune lyonnais, réfractaire au S.T.O., évadé, parachuté d'Algérie, et groupait une quarantaine d'étudiants, réfractaires comme lui, deux saint-cyriens et quelques sous-officiers de l'Armée de l'Air en rupture de ban, dont un ancien garde du corps du Général REVERS (Chef de l'O.R.A.), René DEFOSSE. Une particularité qui m'intrigua : plusieurs adhéraient aussi à un "Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Evadés" relevant d'un certain François MITTERRAND... !
Le Commandant "Didier", qui semblait s'intéresser particulièrement à ce Maquis, lui faisait dépêcher sur place l'aide nécessaire, sous toutes ses formes. Nous eûmes, pour notre part, largement recours à la sienne, notamment pour l'organisation de transports et la fourniture d'explosifs. Pierre JARRY fut chargé d'une mémorable expédition au Barrage d'où il revint, le 21 juillet, avec un camion de 5 tonnes et 3 tonnes d'explosifs : les ordres de réquisition dont il était porteur avaient l'aval du Commandant "Didier" et furent exécutés scrupuleusement.
Je ne vis le Commandant "Didier" qu'entre deux portes , au Centre "Lafayette". J'y accompagnai un jour THOLLON qui s'enferma avec PUTZ et lui. C'était quelques jours après le grand parachutage du 14 juillet, au cours duquel, le "Barrage" nous fournit un sérieux appui logistique. Au retour, je demandai à THOLLON : "Mais qui donc est ce "Didier"?". "Vous ne le saviez pas" me répondit-il en souriant, "je vois que "Florange" n'a pas été bavard. Le Patron de l'O.R.A. du Cantal, le bras droit du Colonel "Mortier", je peux vous le dire maintenant, c'est l'ingénieur DECELLE, le Directeur du Barrage, lui-même".
la Forestie de Chalvignac
P.C. du Colonel "Mortier" et de son Adjoint "Chabert
C'est donc de la Forestie de Chalvignac - P.C. du Colonel "Mortier" et de son Adjoint "Chabert" - que nous parvenaient, par l'intermédiaire du Commandant "Didier", les ordres donnés aux Unités O.R.A. du Cantal, toutes articulées, dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres au plus, en deux Groupements :
· autour de Pléaux, le Groupement "Eynard" (PLAYE) s'organisait en trois Compagnies :
à la Compagnie "Bertrand", aux ordres du Lieutenant SOULAS (Ingénieur d'un petit barrage en construction sur la Maronne) ;
à la Compagnie "Renaud" (la nôtre)
à et la Compagnie"Bonneval" du Lieutenant DUTTER (notre vieille connaissance de Murol)
· autour du col de Néronne, se constituait le Groupement "Allard", commandé par un ancien Chef de Bataillon du 8ème .Dragons d'Issoire, le Commandant MERLAT, qui devait être vite rejoint par des éléments de cette Unité avec deux Compagnies :
à celle du Lieutenant "Aymé" (Jacques PARIS) qui sera appelé à d'autres fonctions et remplacé, au moment de son rattachement à notre Groupement "Renaud", par le Sous-Lieutenant (J.M.) ANTOINE-MICHARD ;
à et une Compagnie aux ordres d'un Lieutenant "Bruno" (l'Ingénieur POIRIER, du Barrage de l'Aigle).
C'est au hameau de Calau, à 1 km environ de notre nouveau cantonnement que s'installa, le 9 juin, l'E.M. du Groupement "Eynard". Il fut bientôt rejoint par un Officier légendaire qui allait, à la fin de juillet, prendre la tête de ce Groupement : le Commandant "Carlhian", de son vrai nom ERULIN. C'était un membre fondateur de l'O.R.A., rescapé des combats du maquis de l'automne 1943 près du Puy de Dôme. Il claudiquait avec une jambe cassée récemment, mais il s'imposait par une énergie joviale alliée à une grande clarté d'esprit et un solide bon sens "fantassin" qui d'emblée conquirent THOLLON et de NERVO qui travaillait à ses côtés.
Tel fut notre environnement durant un mois. Ce n'était, au début de juin, qu'une ossature ; mais toute latitude avait été laissée aux Commandants de Compagnies pour étoffer leurs effectifs. Cette croissance devait résulter, d'une part de la mobilisation de jeunes cantaliens - mais ce ne fut pas facile - d'autre part du regroupement d'éléments allogènes. Pour ce qui concerne la Compagnie "Renaud", sa croissance résulta surtout du ralliement d'éléments "J.M.", "Jeunesse Aérienne" et "Armée de l'Air" ; de sorte que, cinq semaines plus tard, la Compagnie deviendrait le "Groupement Renaud", après avoir quadruplé ses effectifs. Il prendrait alors en charge le secteur-clé du col de Néronne et du Lioran - les autres Groupements, PLAYE et ALLARD étant transférés plus à l'Est, vers Riom-ès-Montagne et Allanche.
Cette réussite éclatante et unanimement reconnue ne doit cependant pas faire oublier celle de nos amis du Barrage qui furent regroupés, au moment des combats, en un Groupement "Didier", constitué d'une bonne partie du personnel du chantier de l'Aigle, et dont l'ingénieur André DECELLE prit le commandement, à visage découvert, cette fois. Il nous succéda dans le secteur de Pléaux avant de s'engager, comme nous, à la poursuite de l'ennemi en retraite ...
Nous étions à pied d’œuvre ! Mais tout était encore à créer... Par exemple, nous étions démunis de tout matériel de cuisine et de table ; la plupart d'entre nous mangions dans des boites de conserve vides. Des paysans nous aidaient ; le prêt d'une marmite à porcs nous permit de commencer à manger chaud ... EYRAGNE, dans sa fonction de ravitailleur, dut faire des prodiges. Là encore, le Barrage l'aida ...
III - UNE LONGUE ATTENTE ( juin - juillet 1944 )
Le 8 juin, au début de l'après-midi, je me rendis à Langairoux pour étrenner auprès des commandants "Eynard" et "Florange" mes fonctions d'Officier de Renseignements. Je tombai bien ! Une importante colonne allemande venait de quitter Aurillac par la RN 120, en direction de l'Ouest ; marchait-elle, à vingt kilomètres de nous, à notre rencontre ? J'entends encore "Eynard" s'écrier : "Quel piège à c.., ce ravin !" .. Je revins ventre à terre porter un ordre de dispersion sous les couverts. A peine ce mouvement réalisé, un Fieseler Storch nous survolait à basse altitude.
D'un coup surgissait le danger qui, jusqu'alors, nous avait semblé temporiser...
Fort heureusement, la colonne allemande ne s'intéressait pas à nous : elle avait pris le chemin de Figeac. N'empêche, l'alerte avait été chaude ! Elle devait se renouveler fréquemment et nous maintenir sans cesse sur le qui-vive. Dès le 11 juin, le "Fieseler-Storch" récidivait et nous gratifiait de trois passages, dont un en rase-motte ; le 13, une colonne traversait Mauriac ; le 17, une autre, venue d'Aurillac, se déployait à Saint-Cernin ; le 18, au Pas de Peyrol ; le 23, à Salers ; visiblement, l'ennemi tâtait le terrain... Dès les premiers jours, nous dûmes organiser des gardes permanentes, de 6 à 8 hommes aux points sensibles, là où les routes franchissaient la rivière Maronne, notamment au Pont des Estourocs, sur la route d'Aurillac, puis au long des ravins qui nous entouraient.
Une mission primordiale avait été confiée au Groupement "Eynard" ; la garde du terrain de parachutage de Calau, doté du nom de code "SERRURIER" ; un assez vaste plateau, bien délimité par des ravins, et où nous attendîmes en vain, pendant un mois, le largage des armes promises. A tout hasard, nous y assurâmes une permanence, presque tous les soirs de cette première quinzaine. Dès les premières alertes, il fallut penser à des itinéraires et à des positions de repli : ce fut essentiellement la tâche de Marc BONNAMOUR, aidé par quelques autres...
Nous nous étions installés le 7 juin un peu plus confortablement, aux hameaux voisins de Germanès, Combret et Lajarrige, à 1 km au Nord de Langairoux. Une petite maison vide abritait notre E.M. à Germanès ; j'y installai, le 9 juin, un appareil de radio de campagne devant lequel je devais passer d'innombrables heures à attendre les messages de la B.B.C. - et aussi à recueillir des informations générales qui me permettraient de rédiger, au moins une fois par semaine, une synthèse des événements de la guerre, lue à nos rassemblements.
THOLLON, GOAILLE et BONNAMOUR, l'après-midi du 9, arrivèrent à l'improviste et, pendant près de deux heures, nous eûmes, à bâtons rompus, une conversation dont les termes me sont restés en mémoire : j'eus l'impression que notre Chef, apparemment soucieux, partageait, en analysant avec trois proches tous les problèmes qui nous assaillaient, le lourd poids de ses responsabilités. J'avais commencé par leur dire que les nouvelles générales n'étaient pas encourageantes : les Alliés semblaient en difficulté en Normandie..., et pourquoi la B.B.C. restait-elle muette à notre sujet ? " C'est d'accord, nous dit THOLLON, "mais, si nous avons un répit, il faut l'employer pour nous organiser. D'abord, veiller au moral, à commencer par celui de nos stagiaires à qui nous allons remettre leur étoile de Chef d'Equipe J.M. - qu'ils ont bien méritée. Le courrier ? On ne peut évidemment pas l'acheminer par la poste locale ; il faut organiser des relais. Notre petit nombre : nous allons nous étoffer, sous peu, avec de jeunes recrues du pays, et aussi avec des éléments J.M. dispersés dans le Sud-Ouest et qu'il nous faut joindre pour pouvoir compléter notre encadrement ; nous allons organiser à cette fin une formation de chefs de groupes de combat. Nous manquons de matériel de transport et d'habillement ? Des missions vont être envoyées pour en récupérer ; l'O.R.A. a ses adresses, et nous avons aussi les nôtres. Notre subsistance ? Tout est réglé sur le plan local et nous serons sous peu autonomes. Il nous faut forger, dans un court délai, une Unité soudée par l'esprit d'équipe J.M.. L'école de combat a commencé ; dès demain, ce sera l'école de tir, avec nos pauvres vingt mitraillettes. ON FAIT CE QU'ON PEUT AVEC CE QU'ON A ... !". Que de fois l'entendis-je répéter cette maxime devenue presque une devise ! "Pourquoi", lui demandai-je, si peu d'armes encore ?". "C'est que", nous dit-il, "une très forte concentration de résistants est en cours actuellement aux confins Est de notre Département. Presque toutes les Unités de l'A.S. (Armée Secrète) et tout l'armement disponible y partent". "C'est, ajouta-t-il assez soucieux, " ce qui peut nous mettre à découvert en ce moment, sauf si les Allemands s'occupent d'eux avant nous. Mais l'O.R.A. insiste à Londres. Attendons. Nous devons être patients et compter d'abord sur nous-mêmes".
Tous ces propos, THOLLON devait les reprendre et les répéter plusieurs fois au cours de ce difficile mois de juin - mois d'une attente vraiment pesante (nous restions désarmés), dans un environnement peu favorable qu'aggravèrent les informations qui filtrèrent sur le désastre subi par l'A.S. dans son réduit de la Margeride, et aussi la tension entraînée par de nouvelles alertes. Mais l'Equipe J.M. resta soudée autour de son Chef qui dut pourtant, à plusieurs reprises, (nous allons le voir), s'engager à plein contre découragement, scepticisme, et aussi simples appréhensions d'éléments ralliés.
C'est le 14 juin qu'eut lieu le Baptême de la dernière Promotion de Chefs d'Equipe de J.M., la Promotion "Général WEYGAND". Aucune cérémonie de fin de stage ne m'a laissé une impression aussi forte que celle-ci. Le décor y était, certes, austère à souhait ; notre assemblée dans cette châtaigneraie dominant les gorges de la Maronne et cet âpre paysage me firent penser au "Désert" des "Camisards" du XVIII e. siècle. Et aussi, tous, nous vivions plus qu'un rite : l'aboutissement d'une longue marche... Les Commandants "Eynard" (PLAYE), "Carlhian" (ERULIN), "Florange" (PUTZ) étaient là et participèrent vraiment à notre émotion. C'est à compter de ce jour qu'ils nous connurent vraiment, me dit "Carlhian". THOLLON sut trouver les mots qui convenaient, en réponse à l'adresse de Raymond MALAN, major de Promotion.
Les 26 Chefs d'Equipe de cette extraordinaire "Promotion du Maquis" virent leur nomination régularisée en 1945 par le Gouvernement du Général de GAULLE :
A chacun, THOLLON remit une Etoile qui était le symbole d'un engagement ancien à combattre et à vaincre, dans la fidélité. Nous chantâmes une dernière fois le chant de J.M., puis l'Hymne National...
Et, tout de suite, une réalité s'imposa : nous devions quitter Germanès pour occuper une position jugée plus sûre au lieu-dit Lachassagne-Laval, aux confins de la Corrèze, à un grand kilomètre au Nord à vol d'oiseau, mais séparée de Germanès par un ravin nous obligeant à faire un détour par Pléaux.
Nous allions rester un mois à Lachassagne-Laval. Ce hameau très reculé, à une dizaine de km de Pléaux, à une trentaine de Mauriac, était desservi par de petits chemins. Il nous offrit une grande ferme et ses dépendances. En contre-bas, blottie dans une clairière au bord du sentier conduisant à la Maronne, se trouvait une antique chapelle dédiée à Saint-Pierre - lieu de pèlerinage. Le Père AUBRY y célébra, chaque dimanche, un Office fréquenté aussi par les habitants d'alentour, parmi lesquels des familles de proscrits espagnols employés au Barrage et qui devaient participer à la lutte commune au sein d'une Compagnie autonome du Groupement "Didier". Les granges étaient spacieuses et presque confortables dans leur rusticité. Aux fermiers - au début réticents, mais qu'il apprivoisa vite (ils s'appelaient LAVAL ... nom peu prédestiné pour cet accueil ..."çà ne s'invente pas" !) - Robert THOLLON ne demanda qu'une chambre où il se réserva un lit, tout en m'y installant avec ma radio et un appareil téléphonique. Le P.C. du Groupement prit position dans nos parages immédiats dès le 15 juin.
Que d'événements, petits ou grands, devaient s'échelonner et s'entremêler durant ce "quartier" de quatre semaines à Lachassagne ! Événements internes à la "Compagnie Renaud" (j'en parlerai, pour éviter des redites, selon leur suite chronologique). Événements, aussi, qui façonnèrent le "jeu" auquel THOLLON fut étroitement associé et dont nous allions devenir une des composantes actives.
Cette première quinzaine de "dissidence" avait tranché le lien avec tout ce que nous avions laissé derrière nous.
Que s'était-il passé depuis, à Murol, à Theix, et aussi à Vichy, au "Bureau de la Jeunesse Aérienne" ? Nous n'allions pas tarder à le savoir.
Dès le 15 juin, Michel EMERY, mon vieux compagnon du "Bureau d'Etudes" - qui, en permission, n'avait pas participé à notre exode - nous arriva, à vélo, ayant réussi à retrouver notre trace. Toute la soirée, il nous parla des remous vécus aux "Chantiers" et dans le microcosme vichyssois. Fort ingénieusement, il avait su jouer l'ignorance et la bonne foi : il avait été chargé de liquider les affaires laissées en suspens à Murol et à Theix et, de ce fait, très officiellement au Bureau de la Jeunesse Aérienne. Grâce à lui, une liaison fréquente allait pouvoir être organisée avec notre ami ARCHAIMBAULT. Dès le lendemain, il repartait en mission auprès de lui. Il devait encore effectuer ce va et vient - qui n'allait pas sans risque - le 12 juillet et le 9 août. Il fut pour THOLLON un agent de liaison efficace et sûr.
Je ne sus qu'ultérieurement, par ARCHAIMBAULT, l'objet principal de ces missions : tâcher de joindre à Londres puis à Alger, par le Réseau "SAMSON" - que dirigeait alors François AUBRY - et grâce à l'entremise de Jean JOBA, membre du P.C. de l'O.R.A., notre ami et haut responsable de l'O.R.A., l'Ingénieur en Chef Henri ZIEGLER - devenu le "Colonel Vernon" -, Chef d'E.M. du Général KOENIG , membre également du "Groupe du CLUZEL" (dont faisait aussi partie ARCHAIMBAULT) pour nous obtenir armes et subsides. En outre, EMERY nous apporta chaque fois du courrier et en remporta pour l'adresser aux familles.
D'autres arrivées d'éléments J.M. nous permirent de structurer, au fur et à mesure, l'encadrement de notre Compagnie puis de notre Groupement : le 19 juin, MERCIER, BARBE, BOURDEREAU et ASQUIEDGE ; le 6 Juillet, CLAVERIE, ANGOT, GUYOT et FRONT ; le 12, GUILLARD (notre cher "Tonton"), tous arrivant de Chamonix, ayant terminé leur tâche de "liquidateurs" ... GUILLARD, éminent spécialiste, prit immédiatement en mains le Service Transports, et y fit merveille.
J'ai noté les missions suivantes "vers l'extérieur", en juin et juillet (cette liste n'est pas exhaustive ...) :
· HONNILH première mission préparatoire du 12 au 29 juin ;
· SATRE et SABATIÉ partis le 8 juillet vers Toulouse et Bordeaux, en mission de "récupération" auprès des Ateliers Industriels de l'Air" - missions qui se révéleront fructueuses à leur retour en août ;
· liaison avec Murol et Clermont assurée par PEYRE parti avec trois hommes pour Coudes le 15 juin, en récupération de nos mulets ;
· MICHEL et RICHARD, partis le 17 juin avec un camion et revenus le 20, après nous avoir fort inquiétés car les routes étaient peu sûres (ils avaient fait un crochet audacieux par le magasin d'habillement d'Authezat pour y réquisitionner des effets militaires particulièrement bienvenus) ;
· GUILLARD, SATRE et BECKER partis le 26 juillet pour Theix pour y récupérer, au garage de l'Air, un camion avec lequel ils revinrent deux jours après, en compagnie de trois Sous-Officiers "débauchés" ;
· Pierre JARRY dépêché, du 7 au 11 juillet, à Aurillac, accompagné de Paul FAVET, pour une mission délicate : récupérer à la Préfecture les plans du terrain d'aviation et étudier sur place l'état de ce terrain en vue d'atterrissages ou de largages (le mot de passe O.R.A. fit merveille à la Préfecture, mais le plan obtenu ne put être entièrement renseigné du fait d'une défaillance du "contact" civil)
· Jean THIRY reçut enfin, en juillet, la plus périlleuse des missions ; récupérer dans la région de Saint-Flour un armement et un poste émetteur-récepteur de radio abandonnés au moment des combats de la Margeride (il y partit à vélo avec six volontaires et en revint le 13 avec l'appareil et quelques armes, ayant échappé à la vigilance des colonnes allemandes.
Le 16 juin, la Compagnie Renaud qui dépendait jusqu'alors de la Compagnie Bonneval pour son ravitaillement devint autonome. Georges EYRAGNE, promu Aspirant, prit le commandement des Services Généraux ; il allait succéder peu après à RICHARD, avec toutes les fonctions du Ravitailleur et le faire avec brio... Je ne me suis jamais occupé autrement qu'en consommateur de son activité... ; j'ai simplement noté deux missions de 'récupération" particulièrement fructueuses qu'il a effectuées les 28 et 29 juillet chez des "accapareurs"...
C'est le 9 juin que commença l'"école de combat" à laquelle nos quatre sections consacrèrent un entraînement journalier, sous la conduite de notre Capitaine-Aumônier AUBRY. A partir du 18 juin, cette école fut complétée par un cours dispensé aux Chefs de Groupes (Sergent-Chefs et Sergents) et, en priorité, aux Chefs d'Equipe de la Promotion WEYGAND. Ceux-ci n'allaient devenir Aspirants qu'au terme de notre Campagne, et beaucoup en ressentirent quelque amertume, du fait de ce déclassement par rapport à la hiérarchie J.M. Nous en discutâmes avec MALAN ; et ils comprirent cette nécessité due à un sur encadrement potentiel - Je leur en rends à nouveau témoignage.
Le 10 juin, le Sous-Lieutenant Raymond ANTOINE-MICHARD, chargé par THOLLON - avec l'accord du Commandant "Eynard" et de l'autorité civile de Pléaux - de la mobilisation dans notre Unité de jeunes auvergnats du Canton, entreprit une tâche qui allait se révéler exceptionnellement difficile. Les 10 et 11 juin, quatorze recrues originaires de Saint-Christophe étaient incorporées et réparties dans les Sections. Le 14, ANTOINE-MICHARD se heurtait, à Loupiac, à la résistance armée de trois individus qui dispersèrent le rassemblement ; il ne put en ramener que six. Il y retourna le lendemain, flanqué de SARTRE et de trois hommes en armes - sans trouver personne. Le 21, deux premières désertions étaient enregistrées et il fallut interdire les visites des familles. Le 22, BONNAMOUR était dépêché avec deux hommes armés pour les retrouver - sans succès. Le 23, dix nouvelles désertions, plus graves : armes emportées, tentative de rapt d'un véhicule. Faits prisonniers, ils nous seront remis par la Compagnie Bonneval, et THOLLON devra user de toute sa force de persuasion pour n'en convaincre que trois de rester des nôtres, les autres étant renvoyés. Ces incidents répétés - et pas seulement chez nous - amenèrent le commandement et les autorités civiles de Mauriac à instituer des périodes d'instruction de trois semaines suivies d'un retour dans les foyers ... Cette formule donna enfin satisfaction, et les incorporations devinrent régulières jusqu'au moment des combats, les volontaires "instruits" restant des nôtres et se comportant d'ailleurs courageusement (deux d'entre eux devaient sacrifier leur vie au Pas de Compaing) ...
Les 23 et 25 juillet, les 323 Jeunes des classes 39 et 40 de Pléaux et de Mauriac nous étaient affectés, après