Épargne solidaire pour préserver la terre
«Une installation est aujourd'hui un véritable parcours de combattant. Avec un foncier inaccessible, des investissements très importants, des démarches administratives longues et compliquées ». Ça fait deux ans que Samuel Fraquet (35 ans) essaye de s'installer en agriculture biologique. Après avoir passé un brevet de technicien agricole, ce petit-fils et fils de paysan est parti au Canada, où il a créé et géré, pendant dix ans, une entreprise de rénovation.
La production annuelle a déjà trouvé preneurDe retour en France, il retrouve son métier d'origine. Depuis le mois de janvier, tous ses efforts sont concentrés sur le projet de reprise d'une ferme laitière bio sur la commune de Saint-Privat. C'est la seule exploitation en Corrèze qui fournit du lait pour le fromage estampillé « AOC Cantal bio ».
« Au début, il s'agissait de location, puis ça a évolué vers la vente des bâtiments. J'ai adapté mon projet en conséquence. Puis, le propriétaire a décidé de vendre la totalité : les terres, la maison, les bâtiments… Pour moi, il est absolument impossible de tout acheter. La seule possibilité de s'installer était donc d'être aidé ».
Samuel contacte donc l'association Terre de liens qui décide de le soutenir. L'association lance une souscription publique pour réunir les 150.000 € nécessaires à l'acquisition des 41 hectares de terre, afin de compléter les 30 ha déjà en fermage pour maintenir l'activité.
Il faut savoir que ce projet bénéficie déjà d'un soutien économique important : la laiterie- fromagerie Duroux s'est engagée à acheter la production annuelle de la ferme (200.000 litres de lait) et participe même financièrement à la souscription. de Terre de liens. « C'est la dernière laiterie-fromagerie en Corrèze dont les produits sont régulièrement primés au Salon de l'agriculture de Paris. Pour son Cantal bio, le marché existe, alors que parmi ses producteurs, la moyenne d'âge est de 52-53 ans et, depuis quatre ans, un seul jeune producteur de lait bio s'est installé », explique Samuel Fraquet.
Le délai pour réunir les fonds est extrêmement court. « On doit donner une réponse aux autorités agricoles compétentes le 14 septembre. On a déjà récolté un tiers de la somme. Il faut continuer », insiste l'administrateur de Terre de liens Jean-Claude Moutte.
Pour son association, il est fondamental de miser sur l'avenir des fermes bio, car la terre devient l'objet de toutes les spéculations. En France, en 2011, 16 ha de terres agricoles disparaissaient chaque jour, et 200 fermes chaque semaine. Les exploitations deviennent de plus en plus grandes ce qui fait craindre à l'association « une prise de contrôle des exploitations les plus profitables par des investisseurs étrangers à l'agriculture ».
« Il y a 18 ans, au moment où j'ai quitté mes études, l'agriculture bio représentait 2,5 % de l'agriculture française. Aujourd'hui, on est à 3 %, alors que l'objectif politique est d'atteindre 20 % », rappelle quant à lui Samuel Fraquet.
Dragan Pérovic
dragan.perovic@centrefrance.com